Le Jeune Cassidy (Young Cassidy) de John Ford & Jack Cardiff - 1965
Encore un de ces films où Ford a déclaré forfait à mi-parcours. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Young Cassidy s'en ressent méchamment. Ce film est placé juste entre deux des chefs-d'oeuvre les plus flamboyants de Ford (Cheyenne Autumn et Seven Women), et ça sidère d'autant plus : voilà une oeuvre malade, bancale, visiblement réalisée sans grande conviction. On a l'impression pénible d'assister à un de ces vieux téléfilms de l'ORTF, esthétiquement parlant. Images délavées, montage au petit bonheur, décors convenus, tout sent la poussière et la manque d'inspiration. C'est pourtant un sujet typiquement fordien : l'ascension d'un petit Irlandais du peuple (c'est une adaptation des mémoires d'O'Casey) qui devient un écrivain scandaleux et génial par la force de ses convictions révolutionnaires. Tout y est : la campagne irlandaise, le "self-made-man" purement ricain, la déification de la famille, la nostalgie du passé... Comment expliquer alors ce ratage complet dans la mise en scène, et même dans la construction de récit, chez un cinéaste pourtant rompu à l'exercice ? Mettons ça sur le compte de la maladie.
En fouillant un peu, on trouve bien quelques qualités là-dedans. Cet humanisme jamais démenti par exemple : Cassidy/O'Casey est un brave garçon, qui attaque l'écriture comme il attaque la maçonnerie, en archétype du gars en pleine santé, inconscient et sûr de lui. On apprend deux-trois trucs sur O'Casey, ce qui est toujours ça de pris, notamment que sa pièce La Charrue et les Etoiles, qui m'est personnellement tombée des mains, fit scandale à l'époque et nécessitât l'intervention policière dans le théâtre ; on y aperçoit un Yeats plus vrai que nature, bourgeois défendant becs et ongles l'insolence de son camarade ; on y assiste à une bluette sentimentale parfois mignonne dans le traitement, qui culmine avec une scène finale déchirante (je dis ça, mais on a l'impression que la scène aurait pu être déchirante, plus qu'elle ne l'est réellement) ; on y entrevoit cette éternelle propension chez Ford à filmer le passé et l'enfance comme un monde idyllique disparu (les premières scènes dickensiennes avec des coquinous d'enfants qui cassent des carreaux, rhooo les petits diables). Mais l'ensemble est si poussif, les acteurs sont si ternes, la biographie si balisée, qu'on s'ennuie très vite devant cet académisme ringard. A oublier, ou quasi.