Patrouille en Mer (Submarine Patrol) (1938) de John Ford
L'ami John Ford s'essaie à la romance, histoire d'apporter un peu de piquant entre nos fameux hommes entre eux. Il n'a point la Borzage touch pour nous rendre réellement craquant ce petit couple formé par Richard Greene et la "girl next boat" Nancy Kelly, tant on le sent mettre finalement beaucoup plus d'allant pour nous conter les aléas de la vie de ses bras-cassés de marins. La confrontation entre Richard Greene et le pater de la donzelle, interprété par un George Bancroft irascible et ultra protecteur, sert un peu de fil rouge à cette histoire, les deux hommes, incapables de s'entendre, finissant toujours par se balancer un poing dans la tronche; ils vont tout de même finir, lors d'une mission cruciale, par s'épauler et se respecter (eh oui, c'est les hommes ça, madame)... Ford nous sert un petit cocktail romantico-comico-guerrier qui, à défaut d'atteindre des sommets, parvient à rester gentiment à flot.
Perry Townsend III - ça pose -, fils de milliardaire et prêt à servir sa patrie, décide de s'engager dans la marine. Il se retrouve chef mécanicien sur un rafiot moins grand que le yacht de son père avec une bande de marlous traîne-savate. Il gagne leur sympathie en leur payant des coups à boire, et surtout gagne le coeur de la chtite Susan Leeds sur laquelle il a craqué au premier coup d'oeil : elle bosse pour son père, capitaine d'un navire qui ravitaille les bateaux en munitions. Malgré son charme à tout crin et sa fortune, il trouve sur sa route le père de la fille qui, sans ménagement, le jette proprement - touche po à ma fille, dégage petit morveux. Voilà pour le côté sentimental ; quant à l'aspect professionnel, c'est guère plus la rigolade : un nouveau Capitaine a été chargé du commandement de son navire et il se retrouve rapidement à devoir filer doux... On en arrive au titre, puisque leur navire part faire une patrouille, que dis-je une véritable traversée en mer, alors que les sous-marins allemands veillent dans les eaux de l'Océan Atlantique; coup de bol, le navire de la chtite Susan est de la partie; après une traversée assez mouvementée (tempête plus achtung sous-marin boche !), ils rejoignent les côtes italiennes où l'ami Perry est bien décidé à épouser sa Susan. Dans un premier temps, il se fait, une nouvelle fois, sérieusement bouler par le pater, avant que ce dernier ouvre les yeux sur la pugnacité du gamin. Le père - grande gueule mais bon coeur - va le voir pour s'excuser mais se fait à son tour littéralement assommer par le gamin vexé : il reprend ses esprits alors que le navire est en route pour traquer un sous-marin allemand... Nos deux hommes se retrouvent ensemble dans la salle des machines, chacun la main sur leur mannette phallique (si ça c'est po viril, nom de Dieu !): la franche camaraderie ne va point tarder à éclore alors que le danger frappe à leur porte... Perry aura-t-il la femme, rahh, suspense !
Des séquences avec notre petit couple somme toute banales - bien aimé tout de même le baiser échangé à travers le hublot : non ren de ren ne pourra les séparer, ainsi que le final assez drôle où ils... hurlent littéralement leur amour -, un soupçon de comédie avec ces marins branle-manette toujours prêt à gaffer, des passages qui tranchent finalement avec cette atmosphère très noire, ce navire s'enfonçant dans la nuit alors que le danger guette. On navigue constamment entre deux eaux avec, d'une part, cet aspect romantico-comique bon enfant, et d'autre part cette menace dramatique qui plane et qui peut s'abattre sur les protagonistes à tout moment - la traversée du champ de mines est relativement tendue, et on a même droit à deux séquences d'action pure assez explosives. Sans doute rien d'inoubliable dans ce mélange des genres, mais un film assez bien rythmé et joliment photographié qui tient tout de même son rang. Dans les très hauts et les rares bas de cette odyssée fordienne, un film dans la moyenne, juste au-dessus du niveau de la mer.