December 7th de John Ford - 1943
Parmi tous les films de propagande réalisés par Ford à cette époque, December 7th est sûrement le meilleur, en ce qu'il condense en 32 minutes toutes les inspirations du cinéaste dans la veine "exaltation de l'héroïsme américain". Il s'agit d'une reconstitution presque minute par minute de l'attaque de Pearl Harbor, depuis la tranquillité buccolique d'Hawaï avant l'attaque jusqu'à la reconstruction.
Chaque épisode comporte son lot de grandeur et de bravoure. Les premières scènes sont presque oniriques à force de douceur. Le vent dans les paisibles palmiers, la cohabitation avec les Japonais qui se fait dans la douceur, des jeunes gens beaux comme des coeurs qui se rendent à une cérémonie religieuse avec ferveur... que la vie était belle avant que les salauds de Japs envoient leurs avions bousiller tout ça. On passe à la partie sanglante de la chose, la plus impressionnante à n'en pas douter. Comme il sait si bien le faire, Ford nous plonge littéralement au coeur du chaos, dans un mélange d'images d'archive et de reconstitution génialement monté. C'est l'enfer, tout simplement, aussi bien dans le rythme des images que dans le son saturé. Le film se construit sur un tempo effréné, des inscriptions nous indiquant où on se situe alors que partout, c'est le feu et le tonnerre qui sévissent. Beaucoup aimé ces champs/contre-champs sur les avions qui attaquent (plans d'ensemble passionnants de précision) et ces gros plans sur les hommes qui tombent ou répliquent aux attaques. La caméra se tord dans tous les sens pour rendre compte du désordre, et on sent que Ford veut toujours rendre compte de l'aspect humain de la chose : ce sont des machines qui explosent ou larguent leurs bombes, ce sont des hommes qui tombent. Ces scènes comportent une densité magnifique, que Ford saura réutiliser plus tard dans ses films de fiction (They were expendable ou Mister Roberts).
Ensuite, pour mieux enfoncer le clou du "c'est Mozart qu'on assassine", le film s'attarde quelques instants sur ces hommes morts au combat, en donnant ni plus ni moins la parole aux cadavres. Ca va encore plus loin que le final de Torpedo Squadron 8 : un plan sur une photo d'un soldat, puis sur le panneau de sa ville natale, et enfin sur ses parents esseulés, c'est du lourd. Enfin, clou du spectacle, on écoute un message émis par les autorités japonaises qui se félicitent du succès de leur opération : voix nasillarde, accent à couper au couteau, le tout sur fond d'antenne radio qui diffuse son nauséabond message devant une gargouille immonde qui ressemble à Godzilla (photo ci-contre). Très calme et distinguée, la voix-off américaine répond point par point aux allégations nippones, et on hésite peu à choisir son camp dans ces conditions. Au final, le message est clair : tout ce que vous avez gagné, salauds de jaunes, c'est de surarmer une région américaine qui était toute paisible avant vous. Comble de la honte : même les bambins sont contraints d'enfiler des masques à gaz trois fois trop grands pour eux, bouuuh. Dommage que ce film ait été réalisé avant les rispostes américaines à Nagasaki et Hiroshima, ça aurait donné un intéressant prolongement à ce discours unilatéral et primaire. Mais tel qu'il est, December 7th est un cas d'école dans le genre propagandiste : grandiose et magnifiquement mené, il atteint son funeste but avec un talent évident. Après ça, les Japonais auront du taff à faire pour se réhabiliter.