Hideko, Receveuse d'Autobus (Hideko no shasho-san) (1941) de Mikio Naruse
Moyen métrage d'une cinquantaine de minutes qui initie la collaboration fructueuse entre Hideko Takamine (tout juste dix-sept ans et déjà... soixante-seize films à son actif; bon, elle a commencé à cinq ans, forcément) et Mikio Naruse. Receveuse d'autobus-guide touristique, un rôle qu'elle reprendra dans Inazuma et auquel il sera fait indirectement l'allusion (private joke narusien...?) dans Hourou-ki, lorsque la mère, me semble-t-il, de Hideko-Fumiko lui proposera de travailler comme conductrice de bus... Une oeuvre résolument légère et pleine d'insouciance (on est en 1941 pourtant...) qui met en scène un conducteur et une receveuse de bus super motivés par leur taff (ah, cette époque où on considérait encore que le travail pouvait être un plaisir...): ils bossent pour une compagnie de bus toute pourrie, transportant à peu de frais des paysans avec plein de paquets ou de la marmaille, et la jeune Hideko a l'idée de booster un peu le bazar en faisant des commentaires sur les attractions locales. Le conducteur est enchanté, propose cette idée à leur boss je-m'en-foutiste qui s'en fout (mais ouais faites, faites), et ils se rendent d'un pas décidé chez un écrivain de Tokyo, en villégiature dans le coin : ce dernier a écrit dix pages sur le thème et donne au passage des cours de diction et de geste (le magnifique déroulé du bras avec le doigt pointé vers l'attraction, tout un art) à une Hideko toute ouïe.
La "répétition" en temps réel (avec le conducteur qui ne prend pas de passager (trop concentré sur les paroles d'Hideko...) et l'écrivain qui donne ses derniers conseils à une Hideko super pro) se termine un peu en queue de poisson avec un léger accident. Heureusement, l'écrivain viendra en aide aux deux employés pour faire face à leur boss - toujours partant pour faire des coups tordus (il veut demander au conducteur de bousiller encore plus le bus pour faire jouer l'assurance). Hideko peut enfin commencer son taff - une intervention retardée par des jeunes filles qui chantent trop fort avant de descendre du bus puis par un aveugle, seul passager (ben oui, on va po lui décrire ce qu'il voit po, voyez) - sous le regard attendri et l'air goguenard du chauffeur... Une initiative qui risque malheureusement de ne pas faire long feu vu que le boss a décidé de vendre le bus; mais bon, l'essentiel reste le sourire d'Hideko qui illumine ce bus, toute contente d'apporter (sans avoir rien à gagner dans l'affaire) un petit rayon de soleil supplémentaire aux passagers : une attitude désintéressée qui tranche résolument avec la grossièreté de leur boss (roh le porc, les pieds sur le bureau) méprisant et obsédé par la thune.
Eh oui, dommage que la bonne volonté pleine d'énergie et de candeur de cette jeunesse soit destinée à être étouffée par les "décideurs" (en temps de guerre, ce sera plus qu'étouffé...) mais c'est comme ça, mon bon monsieur. Naruse ponctue son court récit de micro-gags visuels (l'écrivain qui balance un verre d'eau sur une cigale et atteint une jeune fille qui passait par là, la poule qui s'enfuit par la porte du bus, la présence de l'aveugle...), et inserre quelques gros plans sur des objets (le cendrier de l'écrivain un peu crade, les chaussures d'Hideko toute déconfites...) qui traduisent un véritable regard scrutateur sur les petites choses banales (cocasses ou non) de l'existence. A l'image d'ailleurs de ce boss qui s'émerveille du bruit que font les bouteilles de limonade quand on les ouvre... De petits plaisirs qu'il est toujours bon de glaner ou d'évoquer, et on a exactement le même à suivre une Hideko toute pimpante et souriante dans son joli kimono bariolé : un petit film plein de peps et sans prétention, c'est toujours ça de pris pour commencer la journée.