Arrowsmith de John Ford - 1931
Pas beaucoup de choses à se mettre sous la dent dans ce petit Ford qui manque cruellement de chair. Pas que ce soit désagréable, hein, mais bon : on finit par se dire qu'à force de vouloir jouer à tout prix à l'artisan, Ford signe parfois des films sans style et sans caractère.
Il faut dire qu'il y a au départ assez peu de matière : un chercheur rêve de devenir un grand médecin capable de sauver le monde. Mais avant d'en arriver là, il lui faudra faire l'expérience de la médecine de proximité, faut pas croire. Le voilà donc envoyé dans un bled, mettant tout son coeur à soigner la dent du petit Johnny ou la vache du voisin (oui, il est indifféremment médecin, dentiste ou véto). Surtout, il tombe amoureux d'une brave jeune fille dévouée et simple. Ca pourrait donner une charmante chronique villageoise populaire, comme Ford saura le faire plus tard avec l'acteur Will Rogers : mais ça reste assez transparent, on a l'impression que le scénario passe à côté des scènes réellement intéressantes. C'est joliment photographié, plein de petites gens craquantes, mais c'est vraiment dénué de style, voire d'enthousiasme. Ford semble chercher quelque chose à filmer là-dedans ; il y avait matière, peut-être, mais il nous faudra patienter.
Devenu enfin chercheur, le gars est envoyé en Inde pour tenter d'endiguer une épidémie de peste bubonique. Ca devient nettement plus intéressant, on reconnaît le goût de Ford pour les grands évènements macabres (l'ouragan de The Hurricane, l'exode de The Grapes of Wrath), et il se permet des plans joliment morbides qui font qu'on ouvre un oeil : une procession funèbre qui passe en fond d'écran, avec une femme en train de mourir au premier plan, ou une plongée vertigineuse sur des pieds de cadavres dans un bateau. Le scénario devient un peu plus haletant, notamment pour ce qui concerne la femme du héros, atteinte par la maladie, et dont on suit la déchéance en paralèle avec le succès de son mari. Au final, le film est une ode exaltée à la grandeur de nos grands chercheurs en chimie, sacrifiant leur vie privée pour sauver l'humanité ; la qualité de la chose étant que Ford reste toujours au plus près de son personnage, au plus intime, plutôt que d'envoyer les canons. A part ça, pas grand-chose.