La Taverne de l'Irlandais (Donovan's Reef) (1963) de John Ford
Vu le temps tout pourri dehors avec cette pluie cinglante qui a bien failli me faire attraper la mort sur mon scooter, il est bon de revenir au foyer pour se mater un petit Ford tourné sous le doux soleil polynésien. Putain, de la mer, du ciel bleu, de la vahiné super bien fringuée, de la nature - verte oui, totalement verte, incroyable, j'avais oublié la couleur de la nature... hum. On se dit qu'arrivé en fin de carrière, le John a voulu faire péter le Technicolor, prenant son yacht et des péloches sous le bras pour se faire un petit film qui ressemble à de vraies vacances - de ce point de vue, on ne peut guère lui en vouloir.
Au niveau du scénar, certes, Frank Nugent ne s'est pas trop cassé la nénette : une Bostonienne serrée des fesses se rend sur une île polynésienne pour y rencontrer, enfin, son père (un docteur resté sur l'île depuis la Seconde Guerre Mondiale) et se rendre compte, pour qu'il ait droit à un héritage familial, s'il a une "bonne morale" (traduire par "a-t-il traqué la gorette locale" (sont po jouasses à Boston...)) Comme il a eu trois enfants justement avec une vahiné (décédée depuis), ses compères (John Wayne, Lee Marvin, une fine équipe) font croire à la demoiselle que les trois gamins métissés appartiennent au John... Forcément, elle est moins bête et intolérante qu'elle en a l'air, et elle craquera pour les trois gamins - ce qui de toute façon n'a guère d'intérêt vu que le docteur se tape de cet héritage comme de l'an 40. On se désintéresse rapidement de cette trame assez "lâche" pour admirer les petites vignettes polynésiennes pleines de douceur de vivre. On reconnaît aussi la petite patte fordienne (l'amitié virile avec son lot de bastons pour le fun, le machisme rampant de notre John Wayne en irlandais so sexy et craquant en maillot de bain, le mélange des communautés (polynésiennes forcément, françaises, japonaises, chinoises, irisho-ricaines...) cohabitant paisiblement - même si l'on se doit de fermer les yeux devant les clichés de base) lors de ce petit voyage qui ne mange pas de pain et demeure relativement plaisant.
On comprend que ces anciens militaires détachés de Pearl Harbor aient fini par jeter l'ancre en ces terres paradisiaques sans espoir de retour sur le sol natal. Il n'y a bien que le gouverneur français qui se plaigne, mais bon, on ne va pas refaire le Français. L'arrivée de la donzelle va forcément changer les habitudes de ce petit monde de célibataires endurcis, et notre John Wayne de ne point tarder à mettre le grappin sur cette bourgeoise strictos qu'il veut "humaniser" par tous les moyens - une fois qu'il la découvre en maillot de bain, débarrassée de ces oripeaux pudibonds, il comprend qu'il a fait le bon choix, mazette. Pirogue, ski nautique, panorama à couper le souffle, on a notre lot de belles images à mesure que l'idylle progresse. Le premier baiser du John coupe le souffle de la donzelle conquise, de toute façon, avant même d'avoir lu le scénar... Une fois emballée, le John lui donnera une fessée en avant-goût de la vie conjugale, on ne refait pas le mâle irlandais. Marvin est là apparemment uniquement pour se prendre des pains dans la tronche lors de ces petites bastons entre amis mais tient son moment de gloire lors de la fête de Noël en roi mage "président des Etats-Unis" - peut être diablement comique, le Lee, malgré sa tronche de tueur. Certes, ce petit monde cosmopolite est là pour faire de la déco un peu clicheteuse (le Polynésien qui aime à chanter et danser, le Chinois qui aime à jouer, la Japonaise qui aime à servir...) mais bon, dans la mesure où chacun vit en paix - il n'y a de la baston qu'entre Américains et gars de la Marine française (hum), mais faut bien un peu s'amuser, hein...) - et en harmonie, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Bref, plaisamment dépaysante et mâtinée d'une petite dose de comédie bon enfant, une oeuvre sans grande prétention mais honnête du gars Ford, qui a dû indéniablement passer du bon temps avec ses potes.