Les Beaux Gosses de Riad Sattouf - 2009
Excellente comédie sur "l'âge bête", qui sait capturer à merveille les nazeries et grandeurs de nos jeunes glandus, Les Beaux Gosses est franchement hilarant, ce qui est assez rare dans le cinéma français pour le remarquer. Sattouf a fait ses armes dans des BD taquines vraiment impeccables (lire le très bon Retour au Collège), et il met la barre aussi haut avec ce premier film. On est à peu près à 10000 lieues de La Boum, avec pourtant les mêmes ingrédients : un groupe d'ados, leurs histoires d'amour mignonnes, leurs rapports avec les parents, leurs profs barjots... Seulement Sattouf est un vrai satiriste, qui certes adore ces mômes tout de traviole, mais ne leur pardonne rien non plus : ses deux héros sont tartignoles, lourds, moches et assez crétins, leurs parents sont immatures et dépressifs, leurs profs apeurés ou mégalos. Tout est boutons d'acnée filmés au plus près, appareils dentaires immondes, dialogues avec cinq mots de vocabulaire et vannes basses du front.
Quiconque a été ado ne peut que jubiler devant ces corps mal à l'aise qui tentent de se donner une contenance, devant ces interrogations basiques (comment rouler des pelles ? C'est comment "à l'intérieur" ? Est-ce qu'il y a vraiment contrôle de SVT ce matin ?), devant ces postures face au grand mystère de l'amour. Par petites vignettes absolument toutes tordantes, Sattouf délivre un portrait caustique du monde de la jeunesse d'aujourd'hui (et d'hier et de demain), et on constate que cette accumulation d'anecdotes finit par toucher à une réalité presque objective : le trait est vraiment à peine forcé, et les personnages sont tellement crédibles que même leurs excès sont impeccablement observés. Gloire aux acteurs, tous parfaits, avec une mention à Noémie Lvovsky qui joue avec une finesse extraordinaire la mère complice du héros : elle est insupportable d'impudeur et de lourdeur ("qu'est-ce tu fais ? tu t'masturbes ? hihihi !"), et apporte un contrepoint très bienvenu à la nonchalance fatiguée de son fils. Ces deux-là forment un couple d'enfer, et leurs scènes sont criantes de justesse. Sattouf n'est sûrement pas encore un maître de la mise en scène (assez fonctionnelle), mais il est excellent dans la construction des situations (la scène de magie noire où on convoque le fantôme d'Hitler est un énorme moment) et dans les détails : une coiffure horrible, un petit personnage secondaire parfaitement dessiné, une ligne de dialogue, tout un ensemble d'"arrière-plans" qui rendent encore plus crédible l'univers. On est dans la chronique sociale et dans la grosse blague en même temps, un peu comme si Pialat s'était tapé Les Sous-Doués : le résultat est à se taper sur les cuisses. Longue vie à nos ados boutonneux et balourds. (Gols 24/06/09)
Il est bon de retrouver des ados français uniquement soucieux d'histoires de cul, surtout en comparaison à nos pauvres ados chinois tout inquiets pour leurs études; et je ne parle point des parents - français - ici plus immatures que leur progéniture. Certes, Sattouf use presque systématiquement de petites vignettes-sketches permettant de placer une bonne vanne ou une situation hilarante (on aurait presque envie de reprendre les cours de sport...), ce qui permet de peindre par petites touches acnéiques toute la gloire de rouler une galoche à la bonnasse de la classe, comme les désillusions qui s'en suivent. Il a un peu plus de mal à installer sur la longueur une véritable trame ou une séquence qui dépasse les deux minutes (bien dommage car la séquence de spiritisme et celle de "Donjon et Dragon" avaient le potentiel pour partir encore plus grave en vrille). Mais après tout, on est pas dans la romance, et cela permet d'apprécier à leur juste valeur ces micro dialogues qui fusent - Rohmer se prend une balle dans la langue... Sattouf filme les séquences un poil scabreuses sans jamais tomber dans le voyeurisme, rend sympathiques ces ados, adroits comme des manches, à force de les tourner en ridicule - une ironie au diapason de cette jeunesse qui ne se prend point trop au sérieux - Honoré se prend une balle dans les deux pieds -, distille des dialogues taillés dans une banane absolument poilants (la "coulaison" lors du french kiss, fallait le trouver) et remet à la mode tous les catalogues La Redoute depuis les années 80 - belle gageure... Le film n'atteint peut-être point des sommets de génialitude cultissime mais quand on pense que la dernière comédie française réussie avec des ados remonte à... enfin quand on pense à cela, on se dit que le gars Riad apporte une énorme bouffée d'oxygène dans ce cinéma comique français qui a tendance à s'endormir sous la poussière - y'a même po Kad dis donc, fantastique. Reste un regret, ne jamais avoir eu de directrice bottisée comme Emmanuelle Devos, ni de prof d'anglais, de moins de 55 ans, qui n'était pas vieille fille... Les temps changent, (Sat)ouffff... (Shang 03/01/10)