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Shangols
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24 décembre 2009

24 City (Er shi si cheng ji) (2008) de Jia Zhang ke

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Baignant, pour ainsi dire, dans le bouillon chinois 24 heures sur 24, il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de s'attaquer comme cela, le temps d'une soirée, à un film de Jia Zhang ke - comme s'il fallait en plus en remettre une petite couche. Et bien c'est un tort, car je dois avouer que ce documentaire/fiction (des témoignages, dont certains sont interprétés par des acteurs) m'a proprement cueilli. Une dizaine de témoignages de personnes qui ont toutes un lien avec cette fameuse usine 420, ancien complexe militaire (en partie) secret : elle a eu son heure de gloire de la guerre de Corée à la guerre du Vietnam (...) et elle est en train d'être démantelée pour laisser la place à un moderne complexe d'habitations et de centres commerciaux nommé 24 City. Du déménagement de l'usine en 1958 de Shenyang à Chengdu à son complet démantèlement 50 ans plus tard, c'est toute une période de la Chine contemporaine qui est concernée et Jia Zhang ke de ne laisser la parole qu'à quelques individus dont les anecdotes ou les histoires édifiantes sont toujours teintées d'émotion. Ce ne sont jamais de grosses larmes télévisuelles, la face est sauve, simplement un ton de voix qui devient plus aigu, des yeux qui deviennent plus brillants, une micro larme qui coule ou un long silence. Acteurs ou personnages réels, qu'à cela ne tienne, tant le cinéma de Jia Zhang Ke est toujours d'une infinie justesse.

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Formellement les cadres et les lumières des films du cinéaste chinois sont toujours aussi bluffants, mais cet aspect esthétique est bien loin de prendre le pas sur la densité des paroles. Qu'il s'agisse de simples histoires personnelles en relation avec la vie de cette ancienne "ville industrielle" à elle seule - un amour de jeunesse perdu ou l'éternelle jeunesse d'une amoureuse célibataire (impressionnante Joan Chen), une prise de conscience de la valeur des choses (l'outil que l'on utilise jusqu'à l'usure totale) ou un récit sur le fait qu'un travailleur se jette en deux temps trois mouvements (un banquet et hop, dégage, au chômage - finalement plus facilement "manipulable" qu'un outil...) - ou de récits absolument hallucinants (la femme qui lors du voyage de Shenyang à Chengdu a perdu son gamin de trois ans lors d'une halte - happée qu'elle fut, à l'époque, par ses camarades qui la ramenèrent sur le bateau : le travail avant tout...), on est constamment pendu aux lèvres de ces personnages au destin lié, pieds et poings, au complexe 420. Pas de colère, pas d'accusation - comme un fatalisme angoissant envahissant chacun d'entre eux... (même si on peut se demander, au passage, si ces témoignages ne sont point finalement un peu trop "policés" (doit bien y avoir des gens ultra vénères, tout de même, dans ce processus de destruction... Allons, en cherchant bien...). Seule la puissance de certaines images faisant coexister l'ancien monde et le moderne (ce vieux membre du parti communisme qui s'exprime pendant que l'on joue sur la scène au badminton, la femme au compte-gouttes devant ce "mirage" local...) apporte un pointe d'ironie voire de causticité, quand ce n'est une vibrante Internationale, entonné par les ouvriers, monté sur des images de l'usine qui "part en fumée"... Finaleuuuuuuhh...

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Les deux derniers témoignages émanant de la jeune génération éduquée dans l'école même de l'entreprise 420 (un vrai Michelin chinois) traduisent la mise à distance de ce monde ouvrier. Les deux, pleins de respect pour leurs parents, ne peuvent concevoir une seule seconde l'idée de travailler ne serait-ce qu'une journée dans ces conditions. L'idée de s'en sortir, de réussir, de gagner de l'argent "à tout prix" affleure forcément, même si derrière les aspirations de cette "jeunesse dorée" (toute relative), on se demande ce qu'il advient aussi de ces autres jeunes qui, eux, n'ont pas eu la chance de recevoir un minimum d'éducation ou de trouver un travail intéressant. Cet "espoir" qu'ils représentent (plus jamais ça en quelque sorte) ou tout du moins qu'ils veulent véhiculer est un peu entaché par l'absence de témoignage d'une autre jeunesse battue, socialement, d'avance (là aussi, en cherchant bien...). Même s'il faut reconnaître (Jia Zhang ke n'est pas un gai luron enjoué, certes) que le regard final que porte Nana sur cette immense ville à ses pieds n'est pas  non plus d'un optimisme forcené... La ville de demain, 24 City, nommée ainsi d'après un ancien poème ("Dans la cité 24, les hibiscus fleurissaient, Chengdu resplendissait »), admirable cité de béton dans laquelle Nana voudrait loger ses parents, ne respirera point non plus, à vue de nez, cette merveilleuse odeur de fleurs d'hibiscus... un parfum du passé comme englouti, admirablement traduit en images - et en mots d'airain (le jeu de mot à deux yuan... oups).     (Shang - 17/10/09)

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Un petit tour dans les films préférés de mon camarade pour cette année 2009, un tour courageux et plein d'abnégation, vous le remarquerez : Jia Zang-Ke a toujours déclenché en moi des tonnes de bâillements agacés, j'ai toujours été absolument hérmétique à son cinéma symbolique, et je me tape quand même son nouveau film. C'est qui le meilleur ? Bon, en plus, je reconnais que 24 City fait un peu remonter le bougre dans mon estime, tant il est vrai que ce film est empreint d'une belle rigueur et d'émotions subtiles. Moins au fait que mon camarade sur l'ordinaire de nos compatriotes chinois, je n'ai pu que réagir en occidental de base : putain, mais ils sont malades ces gens... A la plus innocente des anecdotes relatée par ces travailleurs spoliés, la CGT aurait déclenché une grêve illimitée. Eux non : ils soupirent en constatant comment le travail a cassé leurs corps (très belle façon d'ailleurs d'inscrire la parole au sein de cette friche industrielle qui part en labeaux, comme une projection de leur état intérieur), et c'est tout. Les témoignages sont frappants, parfois insupportables, mais ils réagissent à la chinoise, dans un respect jamais entamé pour le patronnat, pour celui qui a l'argent, et rêvant à leur tour de prendre sa place. 24 City, c'est Germinal sans la révolte : une fausse lutte des classes, étouffée avant de naître (cette Internationale chantée sans sentiments par des ouvriers qui la récitent par coeur), où la seule ambition des esclaves serait de devenir maître.

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Personnellement, je regrette un peu que des acteurs aient quoi que ce soit à faire là-dedans. Toujours eu beaucoup de méfiance pour ces reconstitutions, ces "docu-fictions" toujours un peu ambigus. Ici, cette option gache quelques scènes visiblement dopées aux émotions, comme si la réalité ne suffisait pas à les déclencher : un homme qui soupire tristement devant la surdité de son ancien chef, quelques expressions qui sonnent faux au milieu de la véracité de la chose. Quand Jia assume complètement son invention, lors de scènes de transitions étranges et vraiment bien amenées, c'est beaucoup mieux ; il aurait mieux fait de garder ça pour ces seules séquences-là, et ne pas se piquer de faire rentrer la reconstitution dans la réalité. Cette dernière était visiblement bien assez forte pour se suffire à elle-même.

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Mais baste : à part ça, le film force le respect par ses inventions de mise en scène et ses cadres, qui ne viennent jamais brouiller la parole de ces pauvres gens. Le film en dit très long sur le monde du travail aujourd'hui, celui des Chinois mais le nôtre tout aussi bien, et c'est parfait comme ça.   (Gols - 24/12/09)

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