Planqué malgré lui (When Willie Comes Marching Home) (1950) de John Ford
Seconde guerre mondiale, élan patriotique (notre héros se fait un point d'honneur à s'inscrire en tout premier sur les listes de sa ville de... Punxatawnay) , hommes entre eux, on s'attend à du Ford bas du front et pourtant, il faut rapidement se rendre à l'évidence : on est bien dans la comédie. Une première partie où, en effet, notre gars Willie Kluggs (Dan Dailey, sympathoche et dégingandé) va avoir toutes les peines du monde... à se voir offrir l'opportunité de partir au front. Grosse grosse frustration pour notre Willie. Puis ensuite, tout s'accélère et la seconde partie offre son petit lot d'aventures frenchy plutôt agréables, notre type se retrouvant parachuté au milieu de résistants. Littéralement "ivre" d'action, notre Willie va devoir retourner, en deux temps trois mouvements, et ce malgré lui, sur le sol américain... Sera-t-il reçu en héros ou en blaireau? That is the question...
Dès la première séquence, la guerre est déclarée : notre Willie, la fleur au fusil, quitte petite amie (Collenn Townsend, du potentiel...) et family avant de prendre le train. Premier camp d'entrainement (c'est une burne comme pilote mais un roi du tir) et première affection sur la base de... Punxatawnay. Ben ouais le gars retourne chez lui. On le reçoit, déjà, en fanfare, et il a même droit à sa petite fiesta où il chante un duo - assez cucul la praline d'ailleurs - avec sa douce. Mais bon, c'est juste histoire de s'échauffer avant de partir bravement au combat... enfin po vraiment... Tout le monde est affecté mais lui, le gars, reste sur la base comme instructeur. Il ronge méchamment son frein, fait le forcing pour partir, mais à chaque fois on calme ses ardeurs avec le même petit discours : il aura droit à sa promotion et à sa ptite médaille pour bonne conduite, mais pour le reste... Patience. Ce ne serait pas forcément désagréable - on est jamais pressé de mourir, même pour la patrie, hein... -, seulement comme il passe son temps à traîner ses guêtres dans sa petite ville natale, on ne tarde point à voir notre héros comme le roi des planqués... Même sa famille commence à avoir un peu honte. Il se voyait déjà en haut de l'affiche, son nom en dix fois plus grand que n'importe qui et il est tout bêtement ridicule. Ford nous a bien eu...
Mais Willie va enfin saisir sa chance, alors qu'on trouvait, nous aussi, que la comédie avait assez duré. Il doit remplacer au pied levé un type qui a l'appendicite et le voilà dans un avion en route pour l'Angleterre... Ils arrivent en pleine purée (forcément) et n'ont d'autres choix que de sauter en parachute; mais notre Willie, qui n'en manque po une, s'est endormi en route et saute des kilomètres plus loin, en terre française. Le comité d'accueil n'est pas forcément des plus sympathiques mais, après avoir passé un test digne de Questions pour un champion (on reconnaît Julien Lepers même avec son béret), on s'accorde à croire qu'il est bien américain (sont un peu concons ces Français quand même...); il recevra un baiser de la splendide et sensuelle Corinne Calvet (mais ouais, celle-là même de What Price Glory!) et se retrouve embarqué, histoire de faire diversion, dans son propre mariage avec la Corinne (Ford doit penser que les Français passent leur vie à se marier, voir le film cité ci-dessus...). Le film devient définitivement un peu plus speed et tendu même si Ford saupoudre encore le tout d'un soupçon de comédie : notre Willie, brinquebalé de partout, se doit de goûter à tous les alcools du coin (en Europe, on picole dru, clair) et le pauvre va finir totalement cramoisi... Son retour aux States "manu militari" ne se fera point sans quiproquos plus ou moins fendards : Willie la gaffe, c'est ça. Bah, c'est peut-être po du très grand Ford, certes, mais, la seconde partie est totalement dépaysante (... si je puis dire) et relativement divertissante; même si Ford n'est pas Lubitsch au niveau du rythme dans la comédie, la façon dont notre héros se trouve ballotté d'un endroit à l'autre sans être véritablement maître de son propre sort (genre "héros malgré lui") provoque de gentils petits sourires entendus. Dan Dailey manque sûrement un peu d'étoffe pour donner un peu plus de punch et de caractère au film mais avouons qu'on passe tout de même un bon moment, sans prétention (c'est le mot), en sa compagnie...