Le Fantôme (Phantom) (1922) de Friedrich Wilhelm Murnau
Bon déjà, si on s'attend à une histoire envoûtante de fantômes et autre ambiance mystérieuse, on sera forcément déçu. Le fantôme du titre fait référence à la rencontre d'un femme qui va disparaître et rendre notre pauvre Lorenz Lubita, petit comptable, écrivaillon poète à ses heures, complètement amok. De plus, en connaissant les dons du gazier Murnau à la mise en scène, on espère quelques leçons de haut vol - là aussi, on reste un peu à quai, en dehors de quelques séquences où notre cher Lorenz pète un peu les plombs et s'enfonce dans les tourments infernaux du divertissement...
L'histoire donc d'un homme maintenant établi et bien sous tout rapport, qui décide de nous narrer son passé qui l'a conduit en prison - avant, forcément, de connaître la rédemption; oui, c'est moral et frontal. Notre ami Lorenz vit donc chez sa pauvre mère dont le regard est tellement fatigué qu'on croirait un croisement entre ceux de mère Teresa et d'un jeune chiot affamé. Il y a aussi son frère, pâle étudiant en art, qui fera pas de bruit dans l'histoire, et sa soeur, une gâte de mauvaise vie, comme ça, dès la première impression - cela sera confirmé plus tard. En route pour son taff, Lorenz se rend chez un vieux et sa fille, Marie (qui l'aime), à qui il montre ses poèmes. Ces derniers pensent que c'est un génie mais cette bonne nouvelle fera finalement chou blanc. En sortant de chez eux, il est renversé par des chevaux (forcément, c'est une blonde qui conduit) et il tombe raide dingue de la conductrice, une fille issue de la haute... Notre ami Lorenz va tomber alors dans une spirale infernale (les gonzesses, c'est dangereux, ouais): ne pouvant vraiment accéder à cette Veronika, il va s'accrocher à sa copie conforme (le vertigo de l'amour, Al), genre la fille facile uniquement intéressée par la thune, si vous voyez ce que je veux dire. Il va faire la bombe avec cet ersatz en ayant l'excellente idée d'emprunter de l'argent à sa radine de tante (elle pense qu'il deviendra un grand poète, pffft)... Il donne de la thune au marlou qui s'est mis à la colle avec sa soeur, et on voit bien, comme dirait ma grand-mère, qu'il file un très très mauvais coton. La tante se rebelle, lui donne trois jours pour rembourser et ce sera le drame... Qui fait le malin, tombe dans le ravin, l'adage sera respecté.
On serre quand même des fesses pendant une bonne partie du film devant ces scènes d'intérieur un peu plan-plan qui finiraient presque par nous assommer : la mère mourante qui devient ultra mourante, notre Lorenz qui se fait rouler dans la farine par le marlou, les discussions avec la vieille tante qui lâche rien,... on a beau disséquer la façon dont chaque plan est monté (on s'occupe) - c'est du bon boulot, certes -, on reste un peu sur sa faim. Il faudra attendre les séquences de Lorenz où il commence à divaguer - les façades des maisons qui se penchent sur lui et les ombres qui le poursuivent, po mal - ou celles (un peu fugaces malheureusement) où il se roule dans la fange avec son ersatz blonde (sympathique motif du cercle infernal : la scène qui s'enfonce dans le sol (un plan tourné dans un puits ?), les escaliers dantesques, notre couple, au spectacle, en arrière plan, avec un type, au premier, qui tourne dans "un tube" sur son vélo (j'ai mis la photo, c'est plus clair) pour que les pupilles commencent à briller. Il y a bien également cette vision obsédante des chevaux qui le renversent mais sinon, on s'ennuie un peu, disons-le franco. Notre homme saura saisir à pleine main sa seconde chance - cool - mais malgré les très joulies teintes et la musique au taquet, ce fantôme ne nous a guère touché et fasciné. Ca arrive, eh oui, même aux plus grands.