La Nuit des Fous vivants (The Crazies) (1973) de George A. Romero
Si l'esthétisme général, la photo -terne-, la lumière -beurk-, le montage, les acteurs ne dépassent jamais ceux d'un téléfilm, l'histoire, elle, pourrait bien être celle d'un film de Rodriguez - ou d'un téléfilm donc... Un avion transportant une arme bactériologique s'est écrasé à proximité du petit village de City Evans, 3613 âmes... Les militaires masqués et en habits blancs organisent un périmètre de sécurité : ils flinguent toute fuite ou résistance après la première sommation. Faut dire que dans ce village de paysans, on se demande parfois si les gars sont atteints par le virus ou s'ils sont fous naturellement (ce qui est peut-être la seule bonne idée du bazar, comme un préquel de Twin Peaks en pas bien); il y en a, en tout cas, à qui la vue et les façons de faire des militaires ne plaisent point et qui n'hésitent pas à faire fumer leur carabine à vue. L'atmosphère dans le QG est également hystérique (ils gueulent tous au téléphone) avec en guest star Alain Chabat dans le rôle du professeur de laboratoire. C'est la panique à tous les étages (au lycée où les gens sont cantonnés, dans la cambrousse où notre héros ex-béret vert tente on sait trop quoi et dézingue avec son pote tout ce qui bouge...) et en dehors du fait que le gouvernement est prêt à sacrifier toute la population en cas de boulette, on a parfois un peu du mal à savoir où le père Romero veut vraiment en venir. L'ensemble est en plus bien poussif...C'est bien joli les tâches rouges sur les habits blancs, mais on aurait aimé un peu plus de vraie folie créatrice. Dommage le titre était tentant... (Shang - 22/11/07)
Ah oui, bien d'accord avec mon copain Shang, c'est à peu près nul. On comprend bien ce que Romero a voulu tenter dans ce film (et qui va à mon avis plus loin que l'hypothèse de mon collègue) : la ville est certes envahie par les fous, mais elle est surtout surveillée par des militaires encore plus barjes, d'ailleurs réduits pour la plupart d'entre eux à des silhouettes qui terrorisent la population. Du coup, les "Crazies" du titre ne sont pas ceux qu'on croit, et on découvre même très vite que les contaminés sont somme toute bien innocents : très peu de crimes à leur incriminer après tout, à part un incendie initial malhabile. En les observant de près, on découvre même que Romero les filme avant tout comme une bande de hippies drogués, qui tentent de casser les tabous : courir dans la nature, se libérer sexuellement ou danser les yeux révulsés constituent leurs seuls crimes, et ça suffit aux militaires pour les dézinguer à tout va. Romero est donc bien dans la continuité de Night of the Living Dead : condamner la société bien-pensante des années 70, et faire des tenants de l'ordre moral les vrais "méchants" de la chose. Quand une jeune fille blonde comme les blés gémit, au milieu d'un troupeau de moutons : "Mon père ne veut pas me laisser sortir", avant d'être massacrée par les militaires, on voit que la charge est lourde.
L'armée, de son côté, est fustigée dans toutes ses tares : lourdeur de l'administration, désinvolture de l'Etat, violence brutale, mépris de la science... on se croirait dans un bon vieux Joe Dante. Très drôle d'ailleurs de découvrir dans une des scènes finales l'inverse complète du dernier plan de Night of the Living Dead : le héros, qui a réussi à se faire passer pour un militaire en se déguisant comme eux, se fait canarder par les civils et hurle désespéré : "Je ne suis pas l'un d'eux, je ne suis pas un militaire !".
Mais malgré le côté taquin de ce message, le film est gaché par un amateurisme proprement inregardable, par des acteurs honteux, et par un flou artistique complet au niveau du scénario. On ne comprend jamais la motivation des personnages, le montage est fait au sécateur rouillé, la musique est immonde, le son saturé, l'image gerbante... On veut bien que Romero affirme son appartenance à une sorte de cinéma bis, qui se moquerait de la technique pour se consacrer à une esthétique "punk"; encore faut-il que ce soit sincère, et non pas poseur comme ça semble être le cas ici. La charge politique, qui aurait pu être vraiment intéressante, perd toute son intensité dans ce gloubi-boulga visuel, et est du coup amenée avec de trop gros sabots. La Nuit des Fous Vivants... c'est vrai que le titre français laisse rêveur... (Gols - 29/10/09)