Escrocs mais Pas trop (Small Time Crooks) de Woody Allen - 2000
Pas grand-chose à raconter sur cette petite farce mignonette du gars Woody, qui passe le temps agréablement mais n'atteint jamais à plus que ça. Pour cette fois, Allen explore le monde des classes défavorisées, et endosse le rôle d'un crétin gentil, véritable looser rigolo embarquant avec lui une bande de bras cassés pour un braquage improbable. La première demi-heure est la meilleure, qui montre les laborieuses entourloupes de ces cousins du Pigeon de Monicelli creuser des tunnels ou se comparer à Bogart : c'est enlevé, les répliques marrantes fusent, les situations sont burlesques comme il faut, et les personnages, même hyper-caricaturaux, sont attachants. Woody semble revenir à ses premières amours pour le gag premier degré, et sait encore les utiliser avec un sens du rythme impeccable. Dans cette partie, il y a aussi de savoureux dialogues de couple avec Tracey Ullman, qui n'est pas en reste pour envoyer la réplique à un Woody en sur-régime. C'est toujours agréable de voir une actrice qui n'hésite pas à se placer à sa hauteur, et Ullman, à la suite de Keaton, remporte le morceau (lui : "Qu'est-ce que tu dirais si je te disais que tu avais épousé un génie ?"; elle : "Je dirais que je suis probablement bigame").
Ensuite, le film s'effiloche un peu, peut-être parce que le scénario bifurque trop brusquement, mais peut-être aussi parce que Woody semble un peu condescendant avec cette classe défavorisée qu'il filme. Certes, le film garde toute sa tendresse aux personnages, montrant un monde raffiné et cultivé de façon très amère, exposant avec fiel toute la vanité des riches, en opposition avec ses petits personnages peut-être incultes mais hauts en couleurs. Mais tout de même la charge est lourde pour se gausser de ces petites gens : on songe souvent au Molière du Bourgeois Gentilhomme, Woody ayant la même tendance à alourdir le trait de la crétinerie pour mieux nous montrer qu'il est du "bon" côté du manche (entendez ceux qui ont le savoir). Dans sa volonté maladroite de s'instruire, Frenchy apparaît comme une gourdasse vaniteuse : c'est très drôle, on est d'accord, mais aussi un poil hautain, même si, encore une fois, les bourgeois en prennent aussi pour leur grade. Il n'empêche que le film ménage quelques bons moments de bêtise, notamment avec ce personnage de cruchasse au QI d'huitre à qui on conseille de ne parler que météo pour ne pas dévoiler sa crétinerie. C'est joyeux et innocent, joliment filmé dans des plans-séquences bien construits, joué avec visiblement beaucoup de plaisir, et ça ne va pas plus loin qu'un divertissement raffiné de samedi soir. Déjà ça de pris pour un lundi.
Tout sur Woody sans oser le demander : clique