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4 juillet 2024

Tenue de Soirée (1986) de Bertrand Blier

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On a beau connaître ce film résolument par coeur, difficile de ne point prendre malgré tout son pied  à retrouver Depardieu, 200 kilos, en slip léopard, Michel Blanc plus convaincant que Sylvie Testud en Françoise Sagan et Miou-Miou qui chouine comme jamais. L'incipit est comme d'hab un véritable feu d'artifice, les deux-trois premières séquences enquillant répliques frauduleuse sur répliques crapuleuses. Blier est un parfait artisan de l'absurde quand il 18880900_w434_h_q80s'agit d'ouvrir un film avec seulement trois personnages. Depardieu en bienfaiteur sorti de nulle part ne tarde point à gagner le cœur de notre bonne Monique (Odile? Monique? Monique. (...)) ; pour le pauvre Antoine - Michel Blanc, imbattable avec ses airs d'épagneul breton chauve - il faudra encore un peu de temps pour que celui-ci consente à se faire enculer. Ah ben oui, le verbe de Blier est direct, mais il le fait tout de même avec plus de finesse que les autres. Blier semble finalement ici pousser jusqu'au bout, enfin serait-on presque tenté de dire tant cela était déjà sous-jacent, la logique des Valseuses et de Préparez vos Mouchoirs : les deux potes "amateurs de gonzesses" (le côté ultra romantique du Bertrand) étant plus faits pour vivre l'un avec l'autre qu'à s'emmerder avec une chieuse (le côté ultra machiste du Bertrand). Depardieu et Blanc nous donnent un véritable récital (Bravo! Bravoo! Bravooo!), la grosse masse au petit cœur qui suinte face au tristoune bout de bois plein de nerfs : la scène de drague entre Depardieu et Blanc est absolument impossible sur le papier, mais on finirait presque par y croire tant Depardieu est à mourir quand il se met à susurrer son texte - non pas que cela devienne vraiment crédible, n'exagérons rien, on lâche juste l'affaire pour concéder avec complicité une victoire au Gégé avec ses petits yeux tout effarouchés.

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Alors, certes, c'est un leitmotiv, le film s'arrête au bout de quarante minutes - l'arrivée de Cremer - comme si Blier avait un mal de chien, encore et toujours, à rebondir. Non pas que la seconde partie soit complètement ratée (on a droit encore à notre lot de répliques ingérables : "Mais enfin, y'a pas besoin de savoir lire pour lire le journal. C'est de la merde le journal. Ça pue. Ça donne, ça répand des mauvaises odeurs dans la tête des gens". Sans parler de l'incontournable : "C'est le corps enseignant qui nous fout la vérole, le voilà mon diagnostic"), c'est juste un peu plus poussif dans l'enchaînement des dialogues, les personnages de passage (Crémer, donc, Creton...) sont d'un bloc et l'atmosphère, malgré une musique gainsbourguissime qui vient en renfort, se délite. Ceci dit, faut reconnaître que derrière ces mots et ses situations à se tordre, Blier demeure encore et toujours un grand pessimiste, continuant de nous asséner qu'on est tous en cellule, qu'il ne sert à rien de crier quand on est en liberté parce qu'il n'y a "pas de gardien" : qu'en gros on est désespérément en transit et qu'en plus pour communiquer avec ses pairs, "faut gueuler pour se faire entendre : personne n'écoute personne". La noirceur évidente du Bertrand alors au summum de sa forme entre comédie hilarante et drame délirant - avant bien sûr d'écrire, quelques années plus tard, le magnifique et sublime Pédale dure - bah, si on a plus le droit de déconner, ça va... Plus dure sera la chute, certes, mais Tenue de Soirée demeure indubitablement un must de nos années 80.   (Shang - 13/08/09) 

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Calmos, Les Valseuses, Préparez vos mouchoirs, Beau-Père, Tenue de Soirée... On peut dire que Blier a creusé le sillon de la provocation et tendu le bâton pour se faire battre. Heureusement qu'il est né à son époque, car aujourd'hui il serait voué au bûcher ; il faut bien reconnaître que, malgré nos grosses poilades en les revoyant, ses films sont peut-être ceux de ces années-là qui ont le plus vieilli. Tenue de soirée est indéniablement le fruit, 20 ans plus tard, de l'esprit soixante-huitard, libéré, punk, paillard, sexué, phallocrate pour rire et homophobe sans complexe. On ne saurait lui reprocher cet esprit, d'autant que ça marche à mort : le film est un festival de situations absurdes, confinant même parfois à l'abstraction, traitant la grossièreté en poésie, le scandale en obligation, l'ordure en fleur. A la base, c'est une histoire d'amour, une belle, une pure : celle de Bob (Depardieu), gorille sur-virilisé et fort en gueule, pour Antoine (Blanc), moineau sans envergure, à qui il va apprendre à se faire respecter de sa femme (Miou-Miou), à pratiquer le cambriolage et à gentiment se faire enculer, trouvant ainsi la voie vers une société sans femme, sinon pour faire la cuisine. Amour fou que Blier traite avec goguenardise, regardant le petit monde des homos comme le regardaient les hétéros de l'époque : une faune d'obsédés du cul, infidèles et volontiers travestis, pratiquant joyeusement un libertinage décomplexé ; il y ajoute son regard sur les femmes, dont on connait depuis longtemps la teneur : elles sont, représentées par cette pauvre Miou-Miou, chieuses, stupides, vénales, intéressées et inutiles.

C'est tellement grossier, tellement poussé, qu'on se marre comme des baleines. il faut le reconnaître : on a honte de rigoler aux saillies de ce scénario proprement honteux, mais on rigole quand même, et plutôt deux fois qu'une. Ce miracle (nous faire rire avec une vision qui nous débecte un peu) est obtenu par les acteurs, en état de grâce : jamais Depardieu n'a été aussi léger dans son corps de mastodonte, dans sa voix de ténor, dans la délicatesse de ses gestes qui tranche avec son côté brute épaisse ; face à lui, Michel Blanc est génial, important son personnage de loser des comédies passées dans cet univers à la poésie étrange, mâchant le verbe blieresque en orfèvre ; et Miou-Miou, dans un rôle ingrat au possible, est impeccable elle aussi, se retirant devant les deux monstres mais développant une belle tristesse de personnage. Le scénario entièrement construit sur les bons mots, si possibles les plus scandaleux possible, est lui aussi en apesanteur, et c'est peut-être celui qu'il faudra retenir pour se rendre compte de l'apport de Blier au cinéma. Tout constitue une insulte au féminisme, au bon goût, à la morale, tout est d'une beauferie insupportable, tout semble constituer une apologie du masculinisme dans toute sa splendeur, et tout fait mouche. On déteste aimer ce film, mais le fait est qu'on est là à un des sommets du maître, jusque dans la beauté de sa mise en scène (ces intérieurs bourgeois, cette ambiance de salle des fêtes) de sa musique (Gainsbourg reprend quelques recettes qui ont fait son succès, et c'est très touchant), de sa photo, de ses seconds rôles (on est d'accord cependant pour moins aimer ceux de la deuxième moitié du film). C'est proprement inregardable aujourd'hui, mais c'est vraiment un très grand moment.  (Gols - 04/07/24)

Commentaires
M
Vous n'avez jamais vu Bertrand Blier promener chaque jour son petit chien tenu en laisse rue de Maubeuge, vous !<br /> Avec, plié sous le bras, son journal acheté au kiosque de la place Chateaudun... Il entrait et sortait d'un immeuble haussmannien standard bourgeois. . <br /> Subversif, lui ? Laissez-moi pouffer et me tenir les côtes ! <br /> A leur sortie, ses films étaient déjà bons pour l'Ephad. Lui aussi. <br /> Dans la famille Blier, donnez-moi le père, rien que le père.<br /> ( Son sourire qui tient du pur génie : Mi-confiture sèche,, mi-oignon en saumure)
Répondre
F
Yes, c'est ben vrrrai, Alfie. <br /> Mais j'écrivais cela en pensant davantage à "standard" qu'à bourgeois. (La régularité, chien-chien en laisse, journal... une caricature, non?) <br /> L'ami Brassens ne me dérange pas car sa rimologie sur "caressez/cassez" avouez que ça pardonne tout! On tue ses parents pour un bon mot. Moi le premier.<br /> En outre, un tas d'autres chansons de GB nous prouvent mille fois l'inverse de cette rime-là (et je ne parle pas de son mode de vie, quand même à un milliard de lieues de la rue de Maubeuge, franchement plus sympathique et en accord avec tout le reste !)<br /> Bon. A part ça... Chacun vit comme ça veut, où qu' ça veut, hein. <br /> Blier père n'est pas totalement responsable de ce qu'on a fait de lui. <br /> Elles sont légion, les pitoyables gauloiseries où se sont fourvoyés des Francis Blanche, Darry Cowl, Serrault, Galabru etc etc... et notre gros Bernard. Ma foi, ça n'enlève fichtrement rien à leur génie/nature comiques. Bien au contraire. Il faut un sacré talent pour résister et survivre à des Jean Girault, des Poitrenaud, Jack Pinoteau et autres André Berthomieu...<br /> Pas moi qui érigerais en culte sacré les âneries audiardiennes, ah non ! <br /> Mais est-ce que les cons connaîtraient le nom d'Audiard si tous ces brillants hurluberlus n'avaient pas joué dans ses films, hm? <br /> Imaginons "Touche pas au grisbi, salope" proféré par... mettons, cet Artus aussi actuel que désastreux ?
A
Gols, vous détestez aimer ce film ? Je crois que vous exagérez... Moi je détesterais ne plus l'aimer, et je dis ça la conscience tranquille, j'ai toujours eu l'esprit féministe, et bien avant que ce soit à la mode. Ou alors il va falloir que j'apprenne à détester aimer Brassens qui s'est permis de chanter ''Quand vous ne nous les caressez pas, chéries vous nous les cassez''.<br /> <br /> Quand au père Blier, c'est quand même un incontournable représentant de toutes ces ringardises audiardesques qu'on prétend aujourd'hui nous ériger en patrimoine sacré. Je préfère mille fois le fils et ses outrances qui m'ont fait rire plus souvent qu'à mon tour. Pas besoin d'habiter un bidonville pour se permettre de secouer de temps en temps la bienséance.
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