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13 juin 2009

Le Quai des Brumes de Marcel Carné - 1938

vlcsnap_421356C'est bien joli, ce Quai des Brumes, mais ça ne fait que confirmer une nouvelle fois la chose : Carné est désormais plus attachant par la nostalgie qui émane de ses films (l'effet "aaah le cinéma d'avant, quand même, on a beau dire...") que par les films eux-mêmes, souvent maladroits et assez plats. Ce serait méchant de parler comme ça de cette romance dramatique de belle facture, mais on ne peut s'empêcher de sourire gentiment aux tentatives de tragédie timidement proposées ici : Carné n'est pas un tragique, et jamais il ne parvient à la puissance d'un Renoir dans ce film qui se voudrait pourtant aussi social et noir que La Bête Humaine.

Tout est bien fait là-dedans, mais rien n'est génial : les acteurs sont très bien, malgré un Gabin qui en fait quand même suffisamment dans la première moitié dans son rôle de parigo dépressif (ses accents et sa gouaille sonnent un peu faux pour une fois, et Dieu sait pourtant que j'aime ce comédien). Les autres sont impeccables, Michèle Morgan en jeune première légèrement quiche éclairée en biais, Michel Simon en vieux jaloux moche, Pierre Brasseur en petite gouape lâche, et surtout Le Vigan génial en suicidaire au grand coeur (il a les meilleures répliques). Mais toutes ces stars sont quand même cantonnés à leur répertoire habituel, et on leur en vlcsnap_394775voudrait de ne pas être bons quand il s'agit de rejouer éternellement la même chose. La photo aussi est jolie, un noir et blanc élégant qui rend bien l'ambiance brouillardeuse des décors de trauner (Le Havre, ses docks, ses bars de la Marine), mais elle est aussi très datée, un peu comme ces portraits de photographes des années 30 qui trouvaient toujours la bonne lumière pour éclairer un regard ; elle finit par créer un univers un peu lisse, peu crédible, trop glamour, là où on aurait pu espérer un peu de crasse. Les dialogues de Prévert sont bien entendu finauds et bien balancés ("mieux vaut avoir ma tête que pas de tête du tout", dit par un Michel Simon mochissime, c'est drôle), mais là aussi ancrés dans une tradition du bon mot qui paraît un peu soûlante à force. Tout est bien, mais tout est lissé, trop joli, trop bourgeois finalement.

Là où par contre je continue à douter réellement du talent de Carné, c'est dans la mise en scène, et surtout ici dans le montage. On ne compte plus les faux raccords qui font sortir complètement de situations qui méritaient pourtant le plus de précision (les dialogues Gabin-Morgan, au cours desquels on ne comprend vlcsnap_341528jamais comment les deux acteurs sont placés, au cours desquels ils ne se regardent jamais réellement, sauf dans la très belle séquence du "T'as d'beaux zyeux"). Par ailleurs Carné ne sait absolument pas gérer les actions simultanées : le final où il doit monter en parallèle le départ de Gabin pour le Venezuela et une dispute entre Michel Simon et Morgan est absurdement amené, sans rythme, sans mouvement. C'est très maladroit, filmé à la va-vite et sans personnalité. On fermera les yeux en reconnaissant qu'on passe un moment diablement romantique à suivre les déboires gentillets de ce couple d'une nuit, et par respect pour le vieux Carné qui fait tout ce qu'il peut pour donner du bonheur aux spectateurs français en des temps troublés...

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