La Vague (Die Welle) de Dennis Gansel - 2009
On clame partout que le cinéma allemand connaîtrait une nouvelle renaissance, mais franchement quand on voit la lourdeur des productions à thèse récentes, on a plutôt l'impression d'un retour des Dossiers de l'Ecran. La Vague est un vibrant navet qui passe complètement à côté d'un sujet a priori intrigant, surtout en terre allemande : le fascisme peut-il revenir aujourd'hui en Allemagne et ailleurs ? Pour répondre à cette question légitime, Gansel utilise la thèse la plus démonstrative. Sous couvert d'adapter un fait divers réel, il se permet d'accumuler les caricatures les plus rances sur la société contemporaine, en particulier sur la jeunesse, traitée ici comme un ramassis de crétins manipulables à volonté.
Wenger est un prof de lycée en charge d'un cours sur l'autocratie. Devant l'indifférence de ses élèves, il décide de faire de sa classe une caste fascisante et solidaire, genre secte hitlerienne, afin de prouver aux bambins les dangers d'un retour de la dictature. Ca marche tellement bien, que très vite, la classe lui échappe et se livre à des actes odieux à l'extérieur. Pourquoi pas ? Ca aurait pu donner, filmé par quelqu'un de délicat, un beau film sur la manipulation (y compris celle du cinéma). Mais Gansel attaque au marteau-piqueur : les lycéens sont soit des garçons buveurs de bière et éructant des âneries en exhibant leurs muscles et en écoutant du rock (une scène qui laisse songeur où le rock est envisagé comme une incitation à la barbarie) ; soit des jeunes filles légèrement nymphomanes et bêlant d'admiration devant les dits garçons. Dans ces conditions, il va de soi que la manipulation politique est aisée, et le prof met environ 3 minutes pour devenir un Hitler moderne. Gansel n'a jamais dû croiser un jeune de sa vie pour en avoir une vision si débile. Franchement, moi, si on me demande de venir le lendemain avec une chemise blanche et de faire le signe "de la vague", je ricane. Nos jeunes, non, cons qu'ils sont : ils foncent dans l'idéologie nazie avec un bel enthousiasme, et en une semaine montre en main, ils sont prêts à envahir la Pologne. Lors de la scène finale, leurs convictions seront retournées en une demi-minute. Ils sont cons, ces jeunes.
Au niveau technique, La Vague est également une horreur : entre le jeu grossier de Jürgen Vogel (et de l'ensemble de la distribution, des pantins archétypaux) et la photo clippesque, entre le montage hyper-attendu et les dialogues de CM2, entre les bluettes sentimentales à l'américaine et une douteuse tendance à lisser chaque image pour en faire un "jôôôli plan" trop mortel, on ne sait plus où donner de la tête pour se la prendre entre les mains. Au final, le film montre presque l'inverse de ce qu'il voulait démontrer : non, le nazisme ne reviendra pas dans l'Allemagne de Gansel, parce que c'est une Allemagne vue par le petit bout de la lorgnette, une Allemagne fantasmée par un cinéaste qui ne doit jamais sortir de chez lui de peur de se faire agresser. Avant de critiquer le monde, il faut d'abord l'observer autrement que dans les clips de MTV et le journal de TF1.