La Naissance du Jour de Jacques Demy - 1980
Sérieux plantage cette fois-ci dans la carrière attachante du grand Jacques. En adaptant un livre poussiéreux de Colette, qui n'est pas la plus grande écrivain du monde reconnaissons-le, Demy perd toute fantaisie et toute légèreté, et livre même un film presque mortifère et assoupi, ce qui est bien le comble pour l'auteur de Peau d'Ane. Engoncé dans un costume qui ne lui va pas, celui de l'adaptateur littéraire et sage, Demy avance sur des oeufs, en faisant bien attention de ne rien casser. Il tourne dans la maison même de Colette, respecte à la virgule près les formules (creuses et assez insupportables de fatuité) de la dame, et se laisse totalement enfermer dans cette terreur d'enfant face à la Grande Littératûûûûûre. En plus, on sent Demy asservi également à une esthétique télévisuelle très marquée (La Naissance du Jour est un téléfilm pour FR3, autrement dit un des cercles de l'enfer), qui rend la forme insupportablement vieillotte. Certes, le travers était déjà frôlé dans Lady Oscar ou dans The Pied Piper, mais là on tombe dans un académisme scolaire horrible.
Quelques petites choses quand même à mettre au crédit du film : les acteurs, Delorme en tête, sont convaincants ; l'adaptation est plutôt courageuse, notamment par cette volonté de rester toujours au plus près de la solitude de Colette dans sa maison de campagne : la voix off sussurée fait son effet, omniprésente et précise, et donne au film un aspect intérieur pas inintéressant ; quelques petits éléments demyesques en diable font leur apparition pour nous sortir de temps en temps de la léthargie (le papier peint rayé, les marins (vieillissants pour le coup), la mer) ; enfin, une manière subtile de parler de l'homosexualité, non pas tant dans cette séquence trop explicite des marins qui dansent ensemble que dans la relation complexe et trouble qui se dessine entre Colette et sa petite protégée (Dominique Sanda, gavante). Pour le reste, c'est intéressant comme un dimanche après-midi devant FR3. Achetez le coffret, mais jetez ce film-là.
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