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13 mai 2009

Opening Night de John Cassavetes - 1977

vlcsnap_120408Un film magnifique depuis toujours et pour toujours que ce Opening Night, qui fait la jonction entre le cinéma nerveux made in USA genre Fuller et le drame psychologique à l'européenne genre Bergman. Cassavetes filme les tourments de l'âme comme s'il s'agissait de scènes d'action, et tend chaque séquence comme un arc.

Myrtle est une actrice vieillissante, star adulée qui travaille une pièce psychologique sur le vieillissement et la perte de la féminité. Un accident survenant un soir de représentation va entraîner une dégringolade dans son mental, et amener son lot d'angoisses : qu'est-ce que vieillir ? quelle somme de concessions doit-on faire pour survivre ? comment rester sincère avec soi-même et vis-à-vis de sa vision artistique ? où commence la folie et où s'arrête la liberté ?... Avec un tel sujet, Bergman aurait fait un exercice de style immobile de la plus belle eau ; Cassavetes en fait un film d'écorché vif, toujours sous vlcsnap_133964tension, palpitant comme un thriller. En 1977, le style-Cassavetes est complètement en place : à grands coups de zooms vertigineux et de gros plans proches de la macro, il scrute les angoisses, les pêtages de plomb, les violences, et aussi les clowneries de son égérie (Gena Rowlands, immense) avec une précision diabolique. Sous ses aspects de film pris sur le vif, sous ses dehors d'amateurisme qui se moque des raccords et des logiques d'espace, Opening Night est parfaitement maîtrisé pour laisser exploser l'émotion à chaque minute. Vision éprouvante pour les nerfs, tant on sent à chaque instant l'urgence de filmer, comme un long cri à la fois douloureux et burlesque qui convoque tous les sentiments du monde.

Si les premiers films de JC étaient effectivement dûs à cette fièvre, peu contrôlés et magnifiques à cause de vlcsnap_88623ça, celui-ci utilise les mêmes méthodes, mais avec la maîtrise en plus. Cassavetes est tellement précis dans ses choix d'angles qu'il parvient à produire des gros plans sidérants, tellement gros qu'ils lui permettent de lents travellings sur un seul visage (de l'oeil à la bouche), comme un immense paysage. La caméra, extrêment mobile, passe de ces plans abstraits à des plans d'ensemble avec une maestria totale, inventant une façon nouvelle d'envisager l'espace, comme un magma au sein duquel la caméra tenterait de faire surgir du sens. Parfaites séquences notamment quand on filme la pièce de théâtre, avec une mise en scène sans cesse renouvelée pour décliner des raports entre les personnages, entre les acteurs, entre les acteurs et le public, entre la scène et les coulisses. Cassavetes, et c'est la thématique principale du film, brouille les pistes entre représentation et réalité. C'est la grande angoisse de Myrtle que de perdre pied entre ce qu'elle doit jouer et ce qu'elle est : la mise en scène rend cette angoisse concrète par la seule grâce du montage et des choix d'angles.

vlcsnap_96221Le scénario est très beau, mais après tout déjà vu, y compris dans ce fantôme qui vient rappeler la jeunesse de Myrtle (encore une fois, Bergman a déjà exploré ça). Mais Cassavetes le magnifie grâce à cette énergie de filmage, et tout ça devient d'une beauté vénéneuse. D'autant que le gars sait, comme à son habitude, insuffler de l'humour aux endroits les plus incongrus : il multiplie les éclats de rire aux moments les plus tendus, n'hésite devant aucune pitrerie de son actrice, la plonge souvent dans des situations burlesques (la scène chez la voyante, les dragues du producteur). Mais c'est un rire vraiment jaune, à l'image de ces longs éclats sardoniques de Cassavetes lui-même en acteur cynique ou de ces sourires crispés de Ben Gazzara. Le film dérange, choque, heurte, ne va jamais dans le sens du poil, comme dans ce long final où on ne sait plus si on doit se réjouir de la joie retrouvée de Myrtle ou se désespérer de cette représentation théâtrale infernale. Opening Night, c'est une grande claque dans ta face, un film qui malmène et vous laisse pantois.

Commentaires
L
une claque que je n'oublierai jamais...
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