Dans la Brume électrique (In the Electric Mist) de Bertrand Tavernier - 2009
Oui, je sais : je suis le premier à hurler au loup dès que Tavernier se pique de nous sortir un nouveau film, et je veux bien reconnaître un certain snobisme à cette attitude : Tavernier, c'est juste passable, pas nul. D'autant que ce nouvel opus est à situer dans le haut du panier du gars (qui n'est pas très rempli, certes). De classique à académique, il n'y a qu'un pas, mais Tavernier sait rester avec In the Electric Mist du côté du classique, et livre un honnête polar d'ambiance, sec et sobre comme un bon vieux Clint. Le genre de film à regarder lové au coin du feu avec un whisky 15 ans d'âge et une guitare blues à portée de main.
Tout repose sur les épaules de ce vieux briscard de Tommy Lee Jones, qui comme à son habitude nous la joue vieux cow-boy impassible face aux évènements. Son rôle de flic usé commence à montrer un peu d'usure, mais ma foi il le fait très bien, d'autant qu'il y ajoute cette fois une petite trouvaille drôlatique qui maintient en éveil : une petite voix suraigüe qui veut certainement imiter l'accent cajun (l'action se passe en Louisiane), mais sert surtout la fragilité de son personnage et tranche comiquement avec son visage impavide et buriné. Il est très bon et fait oublier le peu d'intérêt relatif de l'intrigue policière, déjà croisée dix fois chez d'autres.
Tant pis pour le suspense : c'est bien sûr autre chose qui intéresse Tavernier. Le territoire, l'ambiance, voilà ce qui constitue l'intérêt du film, et le rattache à l'autre bon film de son auteur (Around Midnight, film nocturne qui constitue presque l'autre volet de ce film solaire). Ici, le glauque se déroule sur fond de soleil tenace, de bayous glauques et de piscines de luxe, et la caméra prend tout son temps pour faire exister cet arrière-plan ma foi très joli. D'autant que Tavernier ne refuse pas d'enregistrer également le passage de Katrina, qui a laissé des traces autant physiques que psychologiques sur ce paysage étrange. L'histoire immédiate est tout aussi présente que l'histoire ancienne (partie moins réussie, qui convoque la guerre de Sécession à travers des fantômes assez mal gérés par la mise en scène). In the Electric Mist sort les voyous des ambiances de film noir pour les exposer dans le monde contemporain (belle composition de John Goodman, archétype du salaud d'aujourd'hui), et c'est déjà ça de pris.
A part ça, c'est donc du bon vieux classique, avec son lot de secrets enfouis, de putes démembrées, d'enlèvements et de témoins torves. On aurait presque préféré que Tavernier reste du côté du documentaire et livre simplement un portrait de cet état résolument à part. Ca donne quand même l'occasion de retrouver le bon vieux Buddy Guy, d'entendre quelques morceaux de zique classieux, et de voir un acteur burné au taff.