Lady Oscar de Jacques Demy - 1978
La filmographie de Demy ressemble parfois à des montagnes russes : après l'esprit légèrement franchouillard de L'évènement le plus important..., le voilà plongé au coeur d'une production japonaise, avec des acteurs anglais, le tout sur fond de Révolution française. Ca n'a pas l'air de la déranger pour autant : Lady Oscar donne une impression de sérénité et de simplicité totales, alors que c'est tout de même un énorme barnum de figurants, de décors chatoyants et de duels à l'aube. Comme un poisson dans l'eau, le Jacques vous mène tout ça brillament, et si on est en droit de trouver le film un poil transparent, on n'est pas déçus par la beauté de la chose.
C'est moins personnel que The Pied Piper, qui se permettait de faire avec l'Histoire une reconstitution fantasmée, et on sent bien tout le poids des contraintes dans ce tableau de la France du XVIIIème. Mais si les décors et les détails se veulent historiquement corrects, Demy prend toute liberté dans le dessin des personnages, et il fait bien : portée par des acteurs impeccables et par des actrices jolies en diable, la galerie est foisonnante et charmante : l'héroïne, romantique à mort, est une jeune femme élevée comme un garçon, qui va découvrir sa féminité au contact de l'amour en même temps que son intérêt pour l'égalité entre les classes ; face à elle, Marie-Antoinette est glamourissime, petite nana futile et vacharde qui change d'amitiés comme de robes ; il y aussi un jeune valet révolutionnaire, un évêque ambitieux, une félone usurpatrice d'identité, quelques jeunes fats enrubannés, un Louis XVI tout brelo, bref on en a pour son argent.
Au milieu de décors splendides, que Demy vide souvent (pour une fois) de toute couleur pour jouer sur une symphonie de blancs, aidé par une musique virevoltante de Legrand, le film est formellement impeccable. Peu de morceaux de bravoure, il est vrai, mais une honnêteté de regard qui ne se dément jamais, avec toujours ce goût pour les amples mouvements de caméra (la plupart faits à la grue et dominant des tableaux compliqués) ; un pic notamment avec cette scène d'alcôve où Marie-Antoinette retrouve son amant : leur baiser dans un kiosque donne lieu à un travelling latéral de toute beauté qui les entoure dans un mouvement dansé, un peu comme dans Lola. La scène de quadrille, d'ailleurs, passage obligé de ce type de production, est elle aussi très réussie, les mots d'amour sussurés selon la position des couples, très fin. Alors certes, c'est parfois un tout petit peu fade dans le scénario, c'est une vision de l'Histoire limite fin de collège, mais on s'en fout complet : c'est très beau à regarder, enlevé, ambitieux, et c'est du romantisme raffiné comme on l'aime. Un film oublié à redécouvrir.
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