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29 octobre 2022

La Lettre écarlate (The Scarlet Letter) (1926) de Victor Sjöström

Totalement sous le charme, une nouvelle fois, de cette oeuvre de Sjöström qui nous sert une histoire d'amour déchirante sur fond de puritanisme exacerbé. Il est clair que le ton n'est pas franchement à la déconne dans ce petit village de la Nouvelle Angleterre : on se fait condamner aisément pour avoir laissé son oiseau chanter le dimanche ou pour avoir couru, on ne peut point laver ses dessous intimes sous le regard d'un homme et les fiancés doivent se parler via une sorte de longue perche, ancêtre du téléphone avec un fil ça-comme. Les sentences sont souvent terribles de vexation : soit on se balade avec une pancarte de 54 kilos autour du cou avec le nom de la faute, ou pire, on reste exposé aux yeux de tous, mains et pieds enfermés dans une planche en bois. La chtite couturière Hester Prynne ne tarde point à en faire les frais pour avoir laissé son oiseau filer le jour du Seigneur. Elle se retrouve conspuée par la populace dans une église pleine à craquer et doit s'avancer jusqu'au jeune pasteur pour faire pénitence. Hester (Lilian Gish, craquante) lève, tout contrite, les yeux sur ce jeune homme qui lui donnerait, si cela ne tenait qu'à lui, le Bon Dieu sans confession. Il ne tarde point d'ailleurs à flirter avec la donzelle (magnifiques travellings avant et arrière alors qu'ils marchent sur de petits chemins campagnards, de beaux mouvements de caméra qui traduisent parfaitement le chavirement de leur coeur); l'ultime gros plan, à la fin de la séquence, sur la petite culotte (enfin, à l'époque, on est plus près du short que du string, entendons-nous) que l'Hester a abandonnée sur une branche, nous laisse entendre que les baisers qu'ils échangent dans le plan suivant ont dû vite dégénérer... 

gish_scarlet_letter

Seulement voilà, alors que le Pasteur voit en cachette l'Hester et lui propose de l'épouser, cette dernière avoue qu'elle est déjà mariée à un homme - qu'elle aime po - et qui a disparu sept ans plus tôt. Cela refroidit notre pasteur, dans un premier temps, qui panique carrément quand l'Hester accouche d'un enfant (ça va vite, faut avouer...). Mais l'Hester est digne, ne veut point sacrifier la popularité du Pasteur au sein de la communauté à son amour, et prend tout sur elle : elle marche très dignement sous les huées de la foule en portant son bébé dans les bras avant d'exhiber, sur le promontoire de la place du village, la fameuse lettre écarlate qu'on a cousue sur sa blouse : le A de l'adultère. Le Pasteur, en charge lui-même de lui faire avouer le nom de son amant, roule des yeux comme des billes quand il lui pose la question, mais l'Hesther reste de marbre... Elle assume magnifiquement, le Pasteur, disons le sobrement, chiant quand même un peu dans ses bottes. On est point au bout de nos peines avec une fin ultra rocambolesque - le retour du mari d'Hesther, le projet de fuite en bateau, le Pasteur qui se prend pour Ugolin (ouais, faut le voir) - et le triomphe final de cet amour qui éclate en plein milieu de cette communauté de cul-bénit rongée par la volonté de sévir à tout bout de champ.

SjostromScarletLetter

Du magnifique travelling d'ouverture sur ces villageois qui se rendent en masse, comme des moutons, à l'église au gros plan sur le visage d'une Lilian Gish diaphane qui respire la pureté, on se régale de la mise en scène de Sjöström pour cette adaptation du roman de Hawthorne. Certes les acteurs ne font pas toujours dans la dentelle quand ils sont tout colère - Hester qui se saisit de son enfant quand on veut le lui arracher, le Pasteur qui semble une scène sur deux sous ecstasy - mais plusieurs scènes champêtres valent particulièrement le détour (l'échange des premiers baisers au bord de l'eau entre les deux amants, Hester qui enlève rageusement la lettre qui orne son poitrail avant que sa petite fille vienne ingénument lui rapporter, le geste très érotique du Pasteur qui caresse cette lettre sur le corsage de sa douce sur la fin...). Un vrai plaisir.   (Shang - 08/04/09)

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Voilà le genre du film qui vous rappelle à quelle grâce peut atteindre le cinéma muet. Les acteurs géniaux de ce grand mélodrame flamboyant ont une telle précision de gestes, d'attitudes, d'expression, qu'on pourrait sans problèmes les offrir comme modèles pour comprendre la profondeur du jeu que les grands acteurs de l'époque pouvaient atteindre. N'observez que Lars Hanson, et même que la scène où il apprend que son Hester d'amour est déjà mariée : ses mains expriment tout le désespoir du monde, par leur seule façon de se promener sur le visage de l'acteur, de s'ouvrir ou de se fermer, de descendre très lentement vers les yeux ou la bouche. C'est tellement beau que je me le suis repassé 3 fois. Lilian Gish n'est pas en reste ; elle campe une Hesther vraiment historique, débarrassée des oripeaux trop mélodramatiques que Griffith lui imposait : ça reste du mélodrame, mais la mesure, la retenue de Lilan sont extraordinaires, elle semble inventer l'expressionnisme sobre. Mais tous les acteurs, jusqu'au plus petit rôle, sont au diapason. Particulièrement aimé le méchant mari, qui erre sur le film comme un fantôme que personne ne semble voir (est-il d'ailleurs réel, ou est-il symbolique d'un refus psychologique que s'impose Esther ?) et qui finira par être le double maléfique de ce pauvre pasteur, dans un plan fabuleux où il est placé dans l'axe de celui-ci, comme un mauvais génie sur son épaule. Rien que de regarder ces grands artistes bosser suffit à notre plaisir. Mais Sjöström ajoute une touche de génie en plus, et là, on touche au grandiose. Toutes les notes de mon camarade concernant la mise en scène, les fines allusions, les délicats cadrages, les brusques envolées lyriques, sont justes. Voilà un film qui transcende le roman (que j'ai toujours trouvé pas folichon) de Hawthorne, un vrai chef-d’œuvre de délicatesse et de maîtrise.   (Gols - 29/10/22)

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