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4 mars 2009

Sang et Or (Talaye Sorkh) de Jafar Panahi - 2003

PDVD_003Ah oui, on sent bien là toute la rigueur kiarostamienne, le bon Abbas ayant signé le scénario de cette critique sociale au cordeau. On a droit ici à une sorte de Taxi Driver à l'iranienne, autrement dit nettement moins glamour mais autrement plus austère. Hussein, livreur de pizzas à la bouche close mais au coeur pur, ne supporte pas de ne pas avoir droit au luxe et aux grands appartements. A bord de sa mobylette, il sillonne les rues de la ville, entr'apercevant des bouts de ce paradis économique dont il rêve, plein d'une colère rentrée et d'une révolte prête à exploser. Elle explose d'ailleurs, dès la première scène : le gars braque minablement une bijouterie et finit par se suicider. Jolie construction que ce récit qui commence par la fin, puis repart sur les traces de ce geste fatal : qu'est-ce qui pousse Hussein à commettre cet acte, quel cheminement va-t-il emprunter ?

28353_1On reconnaît la touche Kiarostami dans ces travellings infinis le long des rues populeuses, dans ces longues scènes de dialogues en mouvement, dans cette façon de s'intéresser avec émotion à ces petites gens oubliées. Hussein est touchant, gros nounours digne et renfrogné, qui traîne sa fiancée dans une bijouterie de luxe uniquement pour vérifier qu'il a bien raison : il est exclu de ce monde. Ca ne paye pas de mine, mais ces très longs plans-séquences, ces scènes apparemment dépourvues d'enjeu, cette gestion très particulière du temps, mettent à jour une colère et une fatalité beaucoup mieux que n'aurait pu le faire une mise en scène rapide. On garde en tête l'acte désespéré du début, et dès lors Panahi prend tout son temps pour nous amener là, dans cet instant où tout bascule. En attendant, il nous montre un personnage touchant, prêt à partager ses pizzas avec les voyous du coin, refusant dignement de devenir un voleur, compensant un pourboire exorbitant qu'on lui octroie par un don aux pauvres gens du quartier.

88538_2Ca pourrait être naïf et simplet. C'est profondément juste, et la forme radicale choisie par Panahi nous ôte toute tentative de sarcasme. Politiquement, c'est frontal (il faut partager les richesses, on est bien d'accord), mais formellement ça met très bien à jour les inégalités, avec presque rien, un regard concerné sur le monde (beau plan fugitif sur un clochard qui vole les pizzas d'un livreur accidenté), un amour tenace pour ses personnages, et un moralisme convaincu. Le film nous enfonce dans la tête des vérités simples mais bonnes à entendre, par le seul fait de nous imposer coûte que coûte la présence "dérangeante" du pauvre à l'écran, par une façon audacieuse de mettre les petites gens au premier plan. Panahi est un Juste.

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