Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
OPHÜLS Marcel
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
1 février 2022

Les trois Singes (Üç maymun) (2008) de Nuri Bilge Ceylan

Esthétiquement parlant, on ne peut définitivement rien reprocher au gars Nuri : immense sens du cadre, de la lumière, du plan-séquence. Certes au niveau du rythme, le cinéaste porte bien son nom mais cela permet également de se sentir au plus près de ses personnages, de sentir leurs longs moments d'introspection (les plans au ralenti avec juste leur souffle légèrement amplifié), de pénétrer leur conscience, leurs doutes. Ceylan réalise peut-être un nouvel opus encore plus dépouillé, moins ironique qu'un Uzak notamment (si ce n'est la sonnerie de téléphone de l'héroïne (une chanson d'amour turque déchirante, imaginez...) qui tombe toujours à point nommé) mais toujours aussi troublant et juste.

19031444

Un homme politique, à la veille d'une élection, écrase un type avec sa bagnole. Sans hésiter une seconde, il téléphone à son chauffeur, Eyüp (c'est son prénom et non une onomatopée turque), pour lui demander de porter le chapeau : un an de prison contre une somme rondelette : notre client moustachu accepte. Pendant qu'il tire sa peine, c'est po la fête chez lui : son fils ado file un mauvais coton et promet à sa mère de rentrer dans les rangs, de trouver un taff, s'il a une bagnole. La mère (excellente Hatice Haslan, la classe faite femme) se met sur son trente-et-un pour demander une avance à l'homme politique : elle obtiendra en prime une histoire d'amour... Seulement le fils veille, découvre le pot aux roses et le mari qui sort de prison ne tarde point à flairer le blème. Ca commence à sentir le roussi. Dans la vie, il y a les gens qui sont fatalistes, ceux qui ont de l'humour et pis les Turcs (je plaisante). Chronique d'un drame annoncé ou une histoire qui se répète...

19017470

Pour ce qui est de la notion de justice, il est clair qu'on sent surtout planer sur l'ensemble comme un gros parfum de corruption... Le tonnerre a beau gronder à chaque fois qu'il y a un drame, la justice divine n'a définitivement rien à voir avec la soi disant justice terrestre.  Mais le vrai drame, malgré tout, se joue surtout au sein de cette famille qui va littéralement imploser. La faute, ou tout du moins l'une des causes premières, étant peut-être au départ dans la mort prématurée de l'un de leur fils qui semble avoir posé comme une chape de plomb sur cette famille. Chacun paraît totalement se réfugier dans son mutisme, son propre univers : le fils en mal de reconnaissance qui côtoie de petits voyous, le père plus renfermé que derrière ses barreaux et enfin la mère qui faute certes, mais qui semble enfin trouver une sorte d'échappatoire, une ouverture, à sa vie faite de déception. Seulement, dans cet univers éminemment masculin, les apparences semblent plus importantes que ce que peuvent avoir fait ou ressentir les êtres et une tension terrible va s'abattre sur les relations entre les trois individus... L'atmosphère devient quasiment claustrophobique et Ceylan -gommant parfois la frontière entre le rêve et la réalité- parvient à nous faire ressentir parfaitement les états d'âme de ces trois hères. C'est point d'une gaieté folle, j'en conviens, mais la mise en scène demeure relativement fascinante. C'est déjà beaucoup.  (Shang - 02/02/09)


les-trois-singes

Tout ça est affaire de politesse, finalement. Le type qui prend la place de son patron en prison, la femme qui cède au dit patron, le fils qui n'ose pas réagir à cette trahison, le mari complètement apathique devant l'état des choses... Tout le monde subit, par goût du silence, par habitude de l'humiliation. Et Ceylan filme ce ballet silencieux, où chacun s'observe sans oser dire les choses, comme une série de portraits : les visages sont opaques, souvent en sueur, fuyant le regard de l'autre, mais toujours ou presque en plans serrés. Les plans plus larges montrent des paysages tourmentés, des orages prochains, des cieux lourds, dans une débauche de couleurs bleues sombre, grises, noires. Une mise en scène spectaculaire, malgré le rythme très lent, pensée au millimètre. Si Les trois Singes n'est pas le film le plus simple de Ceylan, on ne peut qu'être admiratif devant cette science incroyable de la réalisation, qui lui permet de parler de choses très intimes, très infimes, tout en conservant une certaine solennité, une dimension presque cosmique des plans. un peu comme Antonioni, d'ailleurs, modèle, possible de ce cinéma exigent et peu bavard. On comprend par bribes, par indices savamment distillés ; ça se mérite, quoi, et peut-être que le style polar (puisque, finalement, Les trois Singes en est un) n'est pas vraiment fait pour ce cinéaste très cérébral ou très naturaliste. Mais quoi qu'il en soit, on ressort franchement épaté par l'intelligence de la chose, avec l'impression d'être un peu moins con et d'avoir touché quelque chose de grand et de beau. Ce qui est mieux qu'avec Lelouch.   (Gols - 01/02/22)

Three-Monkeys-1

Commentaires
P
Ceylan, c'est un gars qui promet. Uzak était magnifique, Les Climats plutôt casse-burnes, mais là avec les Trois Singes il trouve un équilibre et c'est à la limite du chef d'oeuvre. J'ai eu la chance de le voir à Cannes en plus, grande expérience.
Répondre
Derniers commentaires
Cycles
Cycle Collection Criterion 1 2 3 4 5 6 7
Cycle Cinéma Japonais 1 2 3 4 5 6 7
Cycle Festival de Cannes 1 2
Cycle Western 1 2 3
 
 
Best of 70's      80's      90's      00's      10's
 
Ecrivains