La Voce della Luna de Federico Fellini - 1990
Le dernier film de Federico est à peu près une catastrophe. On est même tout tristes de constater comment, en ses vieux jours, son système se met subitement à tourner en rond : le gars pédale méchamment dans la semoule, se contentant de remettre en scène ses éternels plans remplis de figurants et ses délires visuels, mais sans profondeur, sans envie, sans nécessité. Abandonnant toute trame cette fois-ci (virage déjà amorcé avec les bien plus beaux Ginger et Fred et Intervista), il se contente d'un voyage à travers ses motifs et ses fantasmes habituels, sans lien, et même sans rien à raconter de précis. La Voce della Luna a les aspects d'un catalogue sur papier glacé, où on verrait, mise à plat, une sorte de compilation du maestro : femmes à la poitrine fournie, grands tableaux urbains, curés ridicules, folklore italien dopé aux couleurs criardes, poésie populaire, tronches de travers (Sim !)... Les pérégrinations de ce petit personnage naïf et légèrement attardé (campé par un Benigni qui ne se force pas beaucoup) ne donnent lieu qu'à des tableaux sans sens, qui passent du coq à l'âne avec application, et qui justifient laborieusement un budget colossal avec des décors fellinissimes qui ont perdu toute saveur : immenses reconstitutions de ciel nocturne, indigeste boîte de nuit (à la limite du réactionnaire, la musique sauvage de Michael Jackson étant opposée à la beauté éternelle d'une valse de Strauss), petites rues romaines pleines de fracas, et j'en passe. Fellini retente le coup du cinéma populaire et impur qui a fait sa gloire : il ne parvient qu'à un populisme qui se mord la queue et qui, à force d'archétypes, ne prouve que l'absence d'inspiration d'un cinéaste qui n'a plus rien à dire. On est perdus, affligés devant l'indigence de la plupart des scènes, et on se raccroche vaille que vaille à quelques mignons éléments qui restent comme des traces du génie passé : quelques scènes plus intimes (celles de Sim, justement) ou un auto-portrait plutôt touchant où Fellini se déclare tout de go atteint par une douce folie qui n'est plus de ce siècle. A part ça, on soupire d'ennui.