Mystery Train de Jim Jarmusch - 1989
C'est très bien, Jim Jarmusch, mais il faut bien se rendre à l'évidence : ça vieillit assez mal. Si ses très grands films résistent bien (Dead Man, Ghost Dog, Down by law), les petites récréations accusent franchement le poids des ans. C'est le cas avec ce Mystery Train, très sympathique mais qui apparaît aujourd'hui comme un film de mode, un témoin d'une époque révolue.
Comme à son habitude, Jarmusch sert un film "cool", pratiquant un humour pince-sans-rire assez indéfinissable, fait de choses anodines et allanguies. Aucun gag là-dedans, aucune vraie réplique fulgurante, pas même de situation vraiment comique, et pourtant on se marre bien, sûrement à cause du vide de chaque chose. A l'image de ce garçon japonais qui ne rigole jamais, Jarmusch affiche un air de croque-mort pour nous présenter ses personnages un brin décalés, et c'est ça qui fait rire. Un couple de Japonais fan de blues qui débarque à Memphis, une jeune veuve italienne de passage dans la ville, un trio de loosers avinés, le tout sur fond de musique d'Elvis et surveillé par un duo de gérants d'hôtel amorphe, et le tour est joué : trois petites historiettes sans véritable sens, qui n'ont en commun que de se situer durant la même nuit et dans la même ville.La mise en scène est habile : le style bluesy du Jim fonctionne sur ces petites choses sans importance qui font une vie, déployant une mélancolie dépressive qui fait rire sans qu'on sache pourquoi, un peu comme Droopy et sa gueule d'enterrement (You know what ? I'm happy).
Il y a quelque chose "d'hyper-tendance" dans cette mise en scène, et c'est bien là sa limite. Jarmusch semble manquer un peu de sincérité, et met son point d'honneur à vider tout cela de la moindre signification. Mystery Train est creux, une pure forme, certes agréable, mais aussi trop polissée pour être vraiment intrigante. Comme si Jarmusch reconnaissait que tout avait été dit au cinéma, et qu'il ne lui restait qu'une poignée de personnages et une ou deux situations à montrer, ou un peu comme un Beckett qui renoncerait à l'intelligence. Mais c'est aussi finalement un cinéma assez roublard, qui se contente d'aligner quelques mythes (Joe Strummer ou Tom Waits) pour faire semblant d'être à la pointe de la contemporanéité. Malgré l'immense savoir-faire technique (les fameux travellings longuissimes et répétitifs, cette façon inédite de prolonger une scène jusqu'à l'épure totale), on reste avec l'impression d'avoir contemplé la surface d'un étang, alors qu'il doit se passer des tas de choses en profondeur. Un film de mode, quoi.