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Shangols
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5 décembre 2018

Une Poule dans le Vent (Kaze no naka no mendori) (1948) de Yasujiro Ozu

On est dans l'après-guerre, et Dieu sait qu'il faut se serrer les coudes pour tenter de s'en sortir. Il faut parfois faire des choix et des sacrifices, surtout lorsqu'on est une femme... Dans la veine sociale et réaliste de Ozu, ce film à la trame relativement simple est un hymne au pardon dans le couple, à la solidarité, pour tenter de vaincre, dans la douleur, le sens de la culpabilité.

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Tokiko (l'actrice mizoguchienne, entre autres, Kinuyo Tanaka, un physique un peu ingrat - bon moi aussi j'ai un double menton, ok - mais un regard empli d'une tristesse infinie) vit avec son enfant et tente de joindre les deux bouts en attendant le retour de son mari qui n'a pas encore été rapatrié. Elle vend ses kimono les uns après les autres à une femme de "mauvaise vie" qui tente de la persuader de venir se vendre. Elle résiste farouchement jusqu'à ce que son gosse tombe subitement malade... Là forcément ça coûte bonbon et la pauvre Tokiko de se regarder désespérément dans son miroir avant de franchir le pas... Elle se fait avoiner sec par son amie, reconnaît sa boulette et, fallait s'y attendre, son mari revient. Quelques instants de bonheur volés, le temps des retrouvailles, mais la pauvre Tokiko, tout contrite, ne tarde pas à avouer à son mari par où elle a dû en passer pour soigner le gosse. Ce dernier est vénère, en oublie même de se raser, l'histoire de cette trahison ne cesse de lui ruiner le sommeil et il finit par se rendre dans ce lieu de prostitution... Il y rencontre une jeune fille de 21 ans qui lui ouvre les yeux sur les aléas de la vie. S'il parvient à la comprendre, la voie pour le pardon de sa femme est encore loin d'être gagnée. On aura droit à une "chute" finale qui nous prouve qu'Ozu peut aussi être le roi de la cascade... Le message final est finalement plein d'espoir en ces temps bien difficiles, ma bonne dame.

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Ozu nous sert que deux travellings mais qui sont de toute beauté : lorsque la femme se saisit de son enfant pour aller à l'hôpital et lorsque son mari se rend d'un pas décidé au bordel ; on sent que le destin est en marche, les personnages sont pris à chaque fois de face puis de dos et ces deux moments sont les deux pivots de l'histoire. Il y a également un autre parallèle que l'on pourrait faire entre deux séquences : celle où Tokiko et son amie connaissent quelques minutes de calme, les fesses dans l'herbe, à tenter de puiser la force pour continuer d'y croire et celle où son mari discute au bord du fleuve avec la prostituée qui l'a suivi jusque là ; chacun tente de garder la tête froide, de profiter du silence et du vent pour faire de l'ordre dans sa tête et une belle sérénité finit par transparaître lors de ces deux moments qui font "respirer" l'histoire. Ozu est forcément d'un tact extrême pour nous faire comprendre que Tokiko a fini par vendre son corps - on ne l'apprend d'ailleurs que de façon indirecte, lors d'une partie de mahjong, et à l'aide de quelques plans sur une chambre vide - mais ne nous épargne point la confrontation entre la femme et son mari ; on le sent bouilloner d'une rage intérieure alors que celle-ci se consumme littéralement de chagrin sous nos yeux - le regard que leur lance le gamin, réveillé par leur dispute, est tout aussi terrible. Ah oui, on est dans le drame, mais la réconciliation finale - elle, blessée physiquement, lui, atteint moralement - est un grand moment d'entraide entre deux éclopés de la vie. C'est presque un peu too much (c'est aussi l'époque qui veut ça), mais digne d'un Ozu qui ne cesse jamais d'insuffler son humanisme et sa foi en ses personnages bourrés d'humilité. Je me demande si le titre, par exemple, ne serait pas une allusion à une chanson d'Elton John... "Likeuhhhh a hen, in the wiiiiiind" - trop abusé du sake, encore, hier...    (Shang - 01/10/08)

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Rhââââ mais que c'est beau, ce mélodrame pris dans des pincettes de soie, qui arrive à être social et presque politique tout en restant dans le domaine de l'intimité familiale. Oui, les gilets jaunes de l'époque s'en sortaient en se prostituant, et ça n'allait pas sans mal. L'enfer total dans lequel plonge la "belle" Tokiko (même remarque sur ce menton désavantageux) est sans cesse mis en parallèle avec le bonheur tranquille de ce foyer, de ces rapports tout doux entre la femme et l'enfant, de ces petits moments lumineux dans la nature (pauvrette), comme si l'héroïne cachait sa détresse sous des rapports sociaux et familiaux tout de tendresse. Mais le vernis ne tarde point à se craqueler, le navire prend l'eau, et quand il faut avouer d'abord à l'amie, puis au mari, les dessous de cette société vernie en apparence, c'est une autre paire de manches. Le malheur qui frappe Tokiko frappe le spectateur de la même façon : c'est une injustice totale, et l'incompréhension du mari, tout aussi malheureux que sa femme, apparaît comme un malheur supplémentaire. Il faudra que monsieur aille lui-même faire l'expérience de cette détresse, et surtout l'accident de sa femme, pour que ses yeux se dessillent enfin : oui, la pauvreté peut porter à ces excès, la faute à la vie ma bonne dame. La vision de la prostitution chez Ozu est bien loin de celle d'un Mizoguchi, même si elle repose sur le même constat de misère humaine. Les prostituées chez Ozu avouent leur mal, et échangent tristement leurs services, rendant encore plus saillante l'expression de leur relégation sociale.

A Hen in the Wind 1

Mon camarade a fait le tour des merveilles formelles du film, et c'est vrai que chaque placement de caméra, chaque travelling, chaque disposition des personnages dans le cadre (les fameux trois-quart dos qui font comme un mur entre eux et le spectateur) est au service de l'émotion pure. C'est du cinéma hyper-sensible, millimétré et d'une délcatesse infinie, et je vous défie de ne pas soupirer à intervalles réguliers devant cette chienne de vie qui semble peser sur les épaules de cette pauvre Tokiko (et éclairer furtivement les pupilles de son fils). Un film fragile et humain comme on n'en fait plus.   (Gols - 05/12/18)

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Commentaires
S
je ne parlerai point ici , contrairement à mes vénérés commentateurs , du double menton de cette chère Kinuyo.<br /> <br /> juste pour dire que ce déicieux et formidable film vient de ressortit en salle sous le titre "Une femme dans le vent" . Et oui , nous sommes passés dans la période post me-too hehe
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M
Ah, mon Roussillon... L'idéal masculin ! (sex appeal ex aequo avec Paul Newman). <br /> <br /> Le zygomatique en gras-double, les bajoues de cricétinés, la mâchoire bavottante du saint-bernard, une lippe beuleup-beuleup, qu'est-ce tu veux, ça m'émeut. Chez Tex Avery, toujours préféré ce gros con de bouledogue à l'écureuil chafouin. <br /> <br /> Vivien Leigh ? Bof et rebof.
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M
Je l'adore, la Kinuyette et pourtant, il est vrai que ce curieux menton replet m'a toujours un peu distrait lorsque je la vois dans ses (nombreux bons) films. <br /> <br /> Même bisbille avec Priscilla Lane.
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C
M'enfin... C'est positivement honteux ce haro sur le menton de cette pauvre Kinuyo ! <br /> <br /> Sont comment les vôtres, de galochons ? ! Hein ? <br /> <br /> Elle, elle peut pas se laisser pousser la barbe comme la plupart des mâles<br /> <br /> actuels quand ils veulent dissimuler les leurs ! <br /> <br /> Non mais.
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