Beaufort (2007) de Joseph Cedar
Ce film israélien sur cet avant-poste au Liban que l'armée israélienne a décidé d'abandonner est à la fois d'une belle austérité, tout en proposant une réflexion sur les rapports humains dans l'armée et l'absurdité, le dérisoire de certaines "prises de position". Cedar concentre sa caméra sur les protagonistes, tout en faisant des décors un véritable personnage de son film. Il y a quelque chose du Désert des Tartares dans cette base qu'il faut occuper "symboliquement", à la (grande) différence tout de même, qu'à défaut de voir l'ennemi, les soldats israéliens ne passent pas une journée sans se faire canarder...
Liraz est le commandant en chef de ce fort : bien que ses compagnons aient parfois du mal à le cerner, il se fait un devoir d'assurer la protection de ses hommes. Une série d'incidents dans lesquels plusieurs soldats vont perdre la vie va mettre à mal sa foi en sa mission, d'autant que le Commandement général ne cesse de tergiverser : il faut tenir, en attendant le retrait, chose facile à dire quand il s'agit pour Liraz de prendre la responsabilité d'envoyer ses hommes au casse-pipe. Cedar parvient en quelques traits à dessiner le caractère des principaux protagonistes, à nous rendre visibles les liens qui les unissent, ce qui se révèle souvent déchirant lorsque l'un d'eux vient à se prendre un missile dans la tronche. Liraz fait lui-même l'expérience de sa peur lorsqu'il se retrouve incapable d'aller récupérer l'un de ses hommes touchés alors qu'une pluie de bombes tombe sur le fort; cet instinct de survie qui met à mal son sens des responsabilités va l'amener à une véritable crise intérieure.
Le cinéaste parvient parfaitement à jouer des antagonismes entre cette base militaire blindée, sous terre, - véritable décor de vaisseau spatial -, espace claustrophobe où chacun fait part de ses projets personnels, de ses angoisses comme de ses envies, et ces immenses paysages de collines, symbole d'une liberté "à portée de la main" mais impossible à atteindre pour tout ceux qui perdront leur vie dans le fort. La tension qui règne dans cette base est palpable de bout en bout - les inquiétants "soldats épouvantails"- mais le film n'est jamais pour autant dénué d'émotion, au détour de certaines séquences magnifiques : la fraternisation des soldats dans la partie médiévale du fort, la petite chanson jouée au clavier Bontempi en l'honneur d'un des soldats qui touche à la grâce absolue, le regard métallique de Liraz lorsque, à demi planqué dans son char, il quitte la base... Une histoire de guerre qui apporte une véritable touche de sensibilité et d'humanisme au genre.