Guerre et Amour (Love and Death) de Woody Allen - 1975
Franchement, que serait la vie sans Woody Allen ? Moi, je dis qu'elle serait sûrement un peu moins vivable. Love and Death est un pur festival de vannes made in Woody, mélange de farce hilarante et d'humour raffiné. Il semble bien être l'inventeur d'une sorte de "grosse rigolade intellectuelle", le film s'appuyant sur des grands classiques russes (Guerre et Paix surtout, mais je pense avoir reconnu aussi Tourgueniev, et il y a un dialogue autour de Dostoïevski également) et aussi sur des théories fumeuses, des références cinématographiques (marrant de voir comme il parodie Bergman, alors qu'il réalisera le pesant Interiors peu de temps après) ou des thèses psychanalytiques.
Le film fonctionne par saccades, naviguant de gags en sorties verbales à un rythme incroyable. Sans exagérer, il y a une raison de s'esclaffer toutes les 20 secondes, que ce soit dans les répliques impeccables (ma préférée : "on va me fusiller demain à 6h ; ça devait être 5h, mais j'ai un bon avocat") ou dans les inspirations visuelles (impossible de rester de marbre lors de l'entraînement militaire du gusse). Ca suffit plus qu'amplement au plaisir total de ce film modeste, et on ferme sans problème les yeux sur les énormes maladresses de mise en scène : Allen se moque du rythme de ses séquences, traite ses décors avec nonchalance et oublie totalement de diriger ses acteurs, à l'exception de la sublime Diane Keaton, aussi barjotte que lui, et qui prend un plaisir évident à jouer ce scénario improbable. Certes, Allen confirme qu'il n'est pas un réalisateur de foule, la bataille napoleonienne étant parfaitement illisible et plate. La charmante compagne qui partageât célestement avec moi la vision de ce film m'a d'ailleurs signalé que les boulets de canon, en tombant, ne font pas de flamme, contrairement à ce qu'on voit dans ce film ; c'est vrai. Mais on s'en tamponne le coquillard, tant on est plié en deux par les inventions poilantes.
Il y a déjà les hantises métaphysiques de Woody, ses questionnements intérieurs, dont il se moque allègrement. Il danse avec la Mort, se plonge dans les affres de la réflexion kantienne, est tourmenté par l'Amour et le Sexe, mais tout ça en se prenant les pieds dans son sabre ou en se mangeant des baffes sonores. Love and Death confirme bien la naissance d'un génie, qui s'en tient pour l'instant au simple divertissement, qui n'est pas encore l'immense metteur en scène qu'il sera, mais déjà unique et énorme quand il s'agit de faire rire intelligemment. Prodigieusement drôle, nécessaire et immanquable, sans conteste.
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