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30 novembre 2024

Signes de Vie (Lebenszeichen) (1968) de Werner Herzog

 

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Premier long métrage du père Herzog et déjà - si jeune le bougre - un grand sens de l'image (magnifique noir et blanc sous le cagnard grec) et de la bande sonore (musique traditionnelle qui se déploie sur de longues séquences) ; mais surtout, il y a en germe, tout un pan de la thématique de son œuvre, c'est-à-dire une réflexion sur le sens de la vie (rien de moins que ça) et surtout le point de rupture chez un individu, autrement dit la folie ou le pétage de plombs. Adapté d'une nouvelle du romantique Allemand Achim Von Arnim, L'Invalide fou (1818) (cela réveille de lourds souvenirs pleins de somnolence lors d'un cours de litté comparée... passons), le film d'Herzog, situé en pleine seconde guerre mondiale, en est une version moderne particulièrement fascinante à décrypter (enfin, à essayer de comprendre, on va dire).

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Le soldat Stroszek (eh ouais déjà le même nom), après avoir été blessé, se retrouve confiné dans une forteresse avec deux autres soldats ainsi que sa nouvelle compagne, l'infirmière grecque qui a veillé à son rétablissement. Le constat s'impose vite, il n'y absolument rien à foutre, si ce n'est surveiller un dépôt de herzog_werner_lebenszeichen_pl1poudre qui n'intéresse personne. On se croirait presque dans le Désert des Tartares sauf que là, il n'y a même pas à craindre une attaque ennemie... Becker, le soldat cultivé, en profite pour étudier les inscriptions grecques sur d'anciennes pierres. Meinhard, le gros bourrin, ne pense qu'à prendre au piège des cafards, à hypnotiser des poules, une fascination pour la torture et l'ordre, particulièrement lourde de sens dans ce contexte... Stroszek, lui, se laisse de plus en plus envahir par la nonchalance, la passivité, et il erre plus qu'il ne rôde dans les rues de ce petit village de Crête à la recherche d'on ne sait quoi, si ce n'est peut-être de lui-même ; certes le tempo du film est lent, mais cela convient parfaitement pour nous plonger dans cet état de torpeur dans lequel tombent ces soldats sans guerre (on repense alors aux deux précédents courts d'Herzog, la Forteresse Deutschkreuz où des pseudo militaires partaient à la recherche d'ennemis pour donner un sens à "leur jeu" (hum) et Derniers Mots, déjà situé en Grèce où la répétition des dialogues frôlait l'absurdité). Sans dévoiler le fil du film outre mesure, Stroszek va commencer à péter vraiment un câble lorsque surplombant une vallée d'éoliennes (un petit souvenir de Cervantès, nan ?), il va se mettre à mitrailler dans tous les sens... surtout le ciel...

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Ce point de rupture, on ne sait pas vraiment s'il est plus dû à un sentiment d'inutilité qui explose, à un délire mégalomaniaque exacerbé par la guerre, à son caractère suicidaire qui ne lui fait trouver de goût à rien... sûrement au final un petit mélange de tout cela ; ce personnage, bercé culturellement entre des aspirations romantiques (arh la Kulture) et la situation guerrière actuelle (arh das Krieg) - ce que personnifient parfaitement ses deux camarades en tant que pôles (plus que "potes" - pardon) - est comme tiraillé entre ces deux aspects contradictoires et finit par exploser en un dangereux feu d'artifice(s). Herzog livre un premier film formellement impressionnant et qui révèle déjà en germe toute une réflexion, très contemporaine, sur la solitude, la folie, la mégalomanie, l'homme quoi.  (Shang - 05/04/08)

 

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Bien calmé, moi aussi, par ce film réalisé par le gamin Herzog, qui contient en germe toute sa production future. En ce qui concerne la folie qui peut gagner un homme notamment : comme les grands héros à venir, Stroszek décide de devenir le dictateur de son petit bout de terre minable, gagné par une mégalomanie de fou dangereux. C'est ici l'ennui qui le mène vers ces rivages, mais aussi une façon de voir le monde, là aussi très herzogienne : il regarde toute chose comme faisant partie d'un code, comme si le monde pouvait être compris comme un système de signes. J'adore ce genre de films (on peut penser en voyant Signes de vie au splendide et incompris The Limits of control de Jarmusch), et celui-ci est un de ceux où cette thématique est la plus claire : Stroszek a une révélation en voyant le champ d'éoliennes. Révélation de quoi, on ne sait pas, mais c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase de sa santé mentale : il a compris quelque chose. Une métaphysique intime, en quelque sorte. Comme dans Fitzcarraldo, comme dans Aguirre, le héros herzogien est un voyant, ou un escroc absurde au choix. La métaphore du fort abandonné, immobile sous un soleil écrasant, pour représenter l'état mental de Stroszek est très judicieuse : on est littéralement plongé dans sa psyché, on voit les choses par ses yeux, on sent l'absurdité de tout. Filmé avec une lenteur exaspérante par un cinéaste qui s'amuse beaucoup à produire ces images obsessionnelles, ce machin vous rentre dans la tête, par la force de ses plans (déjà miraculeusement cadrés), par son rythme au bord de la rêverie hébétée, par l'étrangeté et parfois même l'opacité de ce qu'il raconte, par sa philosophie nihiliste aussi : nous sommes de pauvres crétins balancés dans un monde qu'on ne comprend pas, qui nous ennuyons à mort et qui inventons des guerres ou des accès de folie pour compenser notre angoisse de vivre. Youpi.  (Gols - 30/11/24)

Venez vénérer Werner : ici

 

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