Bubba Ho-Tep (2003) de Don Coscarelli
Gros buzz aux Etats-Unis en 2003, ce film n'est sorti que récemment en France. Alors qu'il est disponible dans ma contrée depuis des lustres, j'avoue avoir fait l'impasse, les films estampillés "horreur" n'étant pas ma tasse de thé - contrairement à mon camarade de classe et de blog, vous l'aurez compris. Et ben, j'aurais mieux fait de mettre mes petits préjugés dans une boîte.
Film culte pour certains, je n'irais pas jusque-là mais en tout cas formidable réflexion déjantée sur les maisons de retraite. Ces pauvres gens "mis à l'écart en attendant de mourir" ont encore une âme, petit rappel pour nos sociétés sur-civilisées.
La première bonne nouvelle c'est qu'Elvis n'est pas mort (il avait pris la place d'un de ses imitateurs pour changer de vie... - ça me laisse pantois quand je pense à Saddam) et JFK, non plus, que la CIA a colorisé en noir pour tromper l'ennemi. Elvis (coup de chapeau à Bruce Campbell qui a tout compris à son métier d'acteur car il cherche surtout à imiter Eddy Mitchell (malin)) ne bande plus, est conscient d'avoir tourné que des films de merde (belle lucidité), regrette de ne pas avoir viré le Colonel Parker plus tôt ni de s'être mieux occupé de Priscilla. Nos deux pov' gars sont dans la dèche totale (on se plaît à imaginer De Villepin dans 30 ans ou dans 1 an - voire moins) et n'ont plus grand chose à attendre de la vie. Paradoxalement, les attaques d'une momie assassine et suceuse d'âme vont les ressuciter en provoquant leur rébellion.
Depuis peu, dans la maison de retraitre, les patients tombent comme des mouches, attaqués par des cafards ça comme qui feraient passer ceux de Madagascar (et pourtant croyez moi, ce sont des brutes) pour des cloportes de CFA 2. Comme tout le monde s'en fout, personne ne prenant plus la peine d'écouter leurs histoires, Elvis et JFK vont sonner la charge. Des moments grandioses, comme le combat ultra technique entre le cafard géant et Elvis (je plaisante pas), la scène de graffiti égyptien dans les toilettes et la fameuse charge finale: Elvis avec son déambulateur et JFK sur sa chaise roulante dans un long travelling arrière sur une musique de la mort, franchement, c'est énorme. Après moults rebondissements -dont la mort de JFK- la momie prendra feu, et Elvis agonisant, pourra être fier d'avoir sauvé son âme et celles de tous les résidents de cette maison de repos (définitif)...
Si vous cherchez un film pour tourner dans les maisons de retraite, c'est du pain béni: respect et robustesse Don. (Shang - 01/04/06)
J'avais deux-trois doutes, vu le scénario (improbable, vous l'avouerez) résumé par mon camarade, mais force est de reconnaître que je suis d'accord avec sa bienveillance envers Bubba Ho-Tep. Coscarelli arrive à éviter deux écueils classiques dans ce genre de production de série Z :
1) l'esthétique n'est jamais cheap ; le film est même très joliment photographié, notamment dans les denières scènes de parc, avec de belles lumières apaisantes, alors même que l'action est à son paroxysme (une momie qui marche à deux à l'heure, et deux petits vieux qui lui font face, ça dépotte). La musique également est nickel. Coscarelli ne tombe jamais dans l'amateurisme facile des petits faiseurs indépendants, il apporte un grand soin à sa mise en scène : profondeurs de champ, caméras subjectives, flash-backs pétaradants sont bien pensés, appliqués. Même si certains effets sont usés jusqu'à la corde (une infirmière voir une lumière inquiétante, gros plan sur son visage, la caméra se décadre légèrement, l'actrice prend tout son temps pour se retourner, et bouh le danger était derrière elle), le film est souvent inventif. La scène de lutte contre le cafard, par exemple, effectivement anthologique, joue avec taquinerie d'un effet mi-horreur mi-humour que n'aurait pas renié le jeune Sam Raimi (dont l'acteur fétiche, Bruce Campbell, est ici employé comme référence). Bon, tout n'est pas bien, notamment justement les acteurs, qui se contentent du minimum syndical en caricaturant leurs personnages. Pas très difficile, quand même, de jouer Elvis : deux-trois déhanchements, on avance le menton en faisant la gueule, et le tour est joué. Il y a aussi pas mal de tunnels dans le film, de longs passages qui semblent tourner à vide, aussi bien esthétiquement qu'au niveau de la trame. Mais on ne peut qu'apprécier ce travail formel très sérieux.
2) avec une trame pareille, avec ce souci évident de faire un "film-culte", on pouvait très facilement tomber dans l'humour régressif tellement en vogue en ce moment. Là aussi, (pratiquement) évité. Il y a bien ça et là quelques allusions pipi-caca pas franchement hilarantes (la momie avale les âmes de ses victimes par n'importe quel orifice, suivez mon regard), Coscarelli se complaît bien de temps en temps dans des répliques de collégien boutonneux ; mais l'ensemble, là aussi, étonne par son sérieux. On est dans le délire pur, mais calmement envisagé, sans hystérie de fan de vidéo-club à la gomme. Belle complicité, surtout, entre les deux acteurs principaux, légendes rattrappées par la vieillesse et la folie, et qui ouvre effectivement sur une singulière vision des laissés-pour-compte, des vieux oubliés de l'Amérique. En plus d'Elvis et de Kennedy, il y a un cow-boy masqué qui attaque la momie avec des pistolets en plastique : jeu de gamin qui rend attachant ce personnage. La plupart des freaks qui peuplent cet hospice sont des mourrants tout heureux de retrouver pour un moment la candeur de l'enfance, bien vu.
Bref, un film attachant, bourré de défauts mais relativement profond et bien ficelé. Je comprends pourquoi l'entrée "Coscarelli" est une des plus visitées de ce blog. (Gols - 05/03/08)