La Fille coupée en deux de Claude Chabrol - 2007
Chabrol est un nom, ça va de soi, ce qui semble l'autoriser depuis maintenant une quinzaine d'années à se vautrer sur ses lauriers et sur son appartenance douteuse à la Nouvelle Vague. Il pond désespérément des films bâclés et paresseux, mais qu'est-ce que vous voulez c'est Chabrol, alors respects... Ben non, j'en ai marre, et je l'affirme haut et fort : Chabrol est mauvais, le sait, mais tant que la critique ne le lui fera pas remarquer, il continuera à s'inscrire au rang des partisans du moindre effort et à nous servir son style lourd comme un dimanche soir.
La Fille coupée en deux n'est pas pire que ses autres films récents : énormes traits de stabilo sur les personnages, dialogues sur-écrits et injouables, montage à la truelle, acteurs hébétés devant l'absence totale de direction, c'est un naufrage en bonne et due forme. L'histoire en gros : une jeune fille ambitieuse prise entre son amour pour un écrivain légèrement libertin et un dandy romantique. Chabrol n'ayant visiblement pas été présent pendant le tournage, Sagnier, Berléand et Magimel (on est d'accord, c'est pas Brando) branchent le pilotage automatique et surjouent tranquillement et fièrement les caricatures qu'ils sont censés représenter : Berléand est dans ses rails de bourgeois désabusé et pervers ; Magimel (le pire) tente de mettre un brin de folie dans son rôle mockyesque de rentier hautain ; Sagnier est sans épaisseur et attendue. Montrer l'ambition en écrivant un personnage de présentatrice météo de chaîne cablée laisse rêveur. A l'image de cette "idée", on a l'impression que Chabrol s'est systématiquement arrêté aux premiers jets lors de l'écriture. Sincèrement, il a dû travailler là-dessus 2 heures à tout casser. Seule Mathilda May essaye de bosser un peu, mais n'ayant rien à jouer, elle abandonne bien vite.
Mais la roublardise du pépère fait merveille encore une fois : sous prétexte de servir une satire de la bourgeoisie provinciale (thème qui commence à fatiguer), il se donne le droit de lâcher complètement son film, arguant du fait que c'est pour rire. OK, mais c'est surtout l'aveu d'une faiblesse d'inspiration totale. La farce n'autorise pas le n'importe quoi, et là on est complètement dedans. Le montage surtout est effrayant, le film étant parsemé de grossières erreurs de découpage qui évoque (encore une fois) un Mocky dans ses meilleurs jours de je-m'en-foutisme aigü (les coupes à l'intérieur des gros plans, les champs/contre-champs illisibles). Pire que tout : en fond de cette aberration artistique se cache une sorte de fascination pour le cinéma sur-scénarisé d'antan, avec ses fameux rapports amoureux troubles, ses revirements sentimentaux improbables, et sa finesse d'expression si précieuse. La Femme coupée en deux épatera sûrement le lecteur de Télérama ; il enterre en tout cas définitivement Chabrol, qui passe définitivement dans la catégorie des réalisateurs de téléfilms, reniant tristement son passé de cinéphile audacieux. Je sais, c'est dur, mais c'est à la hauteur du désastre.