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11 janvier 2008

LIVRE : A Suspicious River de Laura Kasischke - 1999

Sans_titreTrès belle surprise que ce bouquin qui aurait pu n'être qu'un enième livre de cul légèrement racoleur comme on en trouve en masse dans les librairies. Tout y est pour se planter, sauf que miss Kasischke est aussi une auteur qui sait manier l'ambiance poétique avec beaucoup d'originalité et d'invention. Dans un style assez "grunge" (on imagine bien Kurt Cobain pondre un roman de ce style), la damoiselle raconte la vie peu amène d'une femme qui bosse à l'accueil d'un motel, et qui accepte sans problème d'aller faire un tour dans la chambre des clients pour quelques dollars de plus. Une prostitution disons quotidienne, banale, sans affect, qui lui permet d'arrondir ses fins de mois à l'insu de son blaireau gentil de mari. Petit à petit, le roman, sans lourdeur psychologique, fait la lumière sur le passé de cette femme-objet trop consentante, et dévoile une vérité biographique terrifiante, jusqu'aux dernières pages, glaçantes et faulkneriennes.

Plus que la trame, pourtant déjà parfaitement construite dans son subtil équilibre entre flash-backs et présent, c'est l'écriture du livre qui frappe, d'autant que Kasischke a l'audace de ne nous en dévoiler les beautés que doucement, sans prévenir. Au détour d'une comparaison ou d'un rythme désaccordé, ses phrases prennent une ampleur magique, d'autant que l'auteur sait donner de la grandeur à un ciel ou à une forêt par des images très personnelles (j'ai laissé le livre à Shang, peux pas vous donner d'exemple, mais croyez-moi sur parole). La nature semble accompagner par sa puissance le destin implacable et tristissime de cette héroïne "trop humaine". Du coup, on est franchement pris par cette musique très bluesy, par ces mots qui frappent fort mais sans bruit. Une sorte de silence assourdissant des mots, si vous voulez. Le monde s'en trouve vidé d'émotions, et de ce fait très émouvant. Subtil, fragile, puissant, unique, A Suspicious River laisse sa trace dans le coeur.   (Gols - 11/08/07)


637132D'accord avec l'ami Gols, le sujet du livre est au départ assez casse-gueule (une jeune fille qui travaille dans un hôtel et décide de se prostituer "pour passer le temps"), mais ne tombe jamais dans la facilité de descriptions sexuelles pour le fun, au contraire; construit sur plusieurs niveaux de flash-back (sa petite enfance lorsque son oncle couchait avec sa mère dès que son père avait le dos tourné et son adolescence - d'un avortement qui tourne mal aux premières aventures sexuelles... souvent forcées-), on comprend peu à peu les traumatismes de notre héroïne: de sa mère "Marie couche toi là", elle semble peu à peu reproduire l'exemple malgré elle, comme si elle voulait mieux comprendre pourquoi cette dernière a fini ses jours complètement éventrée, sauvagement assassinée. Ce qui semble commencer comme un petit jeu - de l'argent gagné facilement- tourne très rapidement à la violence et au glauque sous la houlette d'une de ses rencontre de passage, Gary, qui se plaît à jouer au mac. Comme l'a noté Gols, l'écriture, malgré des scènes très dures, se fait aussi souvent poétique - en tout cas de plus en plus à mesure que le livre avance - et Kasischke nous donne de très belles images, en relation avec la nature (je me fends d'une citation puisqu'en effet c'est moi qui ai gardé le bouquin, eheh) : "Une écharpe de givre vert vif nous entortille pendant que le soleil continue à s'élever comme un beau fruit tropical rouge et jaune, écrasé et écrabouillé sur le rebord de la terre. La brume ride la rivière comme des petites jupes de fumée rose, Millie ne fait que regarder devant elle...". D'une grande sensibilité féminine - dès les premières pages on sent que le livre n'a pu être écrit que par une femme (me demandez pas pourquoi, juste un sentiment)-, le regard que porte son héroïne sur les hommes et sur le monde est d'une grande naïveté mêlée d'une certaine dureté : si elle consent à "prêter" son corps à tous ces hommes, c'est qu'elle semble souvent "morte à l'intérieur"; sans pitié pour elle-même, elle finira sur les rives du cauchemar (la rivière était suspicieuse...). Relativement fort, oui.   (Shang - 11/01/08)

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