Les passagers de la Nuit (Dark Passage) (1947) de Delmer Daves
Peut-être pas un très grand film - l'intrigue tient sur un papier à cigarette - mais incontournable pour le couple Bogart/Bacall beaucoup mieux assorti que mes rideaux avec la nappe du salon. Il y a également, bien sûr, les célèbres séquences en caméra subjective pendant une grande partie du film, Bogart restant dans l'ombre pendant 40 minutes avant d'être complètement bandé et muet pendant 20 minutes... Ouais normal que le producteur ait un peu tiré la gueule quand il a découvert le film, on se met facilement à sa place.
La trame est en effet bien mince, se résout en deux coups de cuillère à pot - magnifique plongeon "vertigo-esque" avec San Fransisco en toile de fond - mais on a droit tout de même à notre petit lot de grands moments; après n'avoir aperçu que les bras poilus de Bogart pendant une grande partie du film, on a un peu hâte de voir enfin sa bonne vieille tronche: c'est Lauren Bacall qui le "découvre" (il a eu droit à une petite séance de chirurgie esthétique après s'être évadé de prison) et on a droit à une scène d'une énorme intensité entre ces deux acteurs fusionnels; il y a non seulement la meilleure réplique du film (Bogart à Bacall: "Que cela ne vous donne pas idées!" - "Pardon?" -"Ne vous avisez pas de changer de tête à votre tour...!") mais également un baiser tout retournant entre les deux mythes et les pitits zyeux scintillants de Bacall qui le supplient de rester: rien que pour ça, le film vaut le détour. Bacall est rayonnante de bout en bout, toujours avec son petit sourire aux lèvres qui me rend dingue et une coiffure genetiernesque qui me donnerait presque envie d'avoir la même (ouais je sais c'est ridicule). Pour le reste il est clair qu'on reste un peu sur sa faim: il y a bien ces petits moments psychédéliques chez le docteur lorsque Bogart est anesthésié, ces jolis mouvements de caméra, très souples, qui ponctuent le film ou encore sa brochette de seconds couteaux, tous excellents (Agnes Moorehead, Tom D'Andrea, Clifton Young, Houseley Stevenson...) mais on ne peut pas dire que le scénario de David Goodis soit particulièrement palpitant. Atmosphère de film noir, certes, pas non plus de quoi en être fondu.