L'Interprète (The Interpreter) de Sydney Pollack - 2005
Si The Interpreter n'était que le navet qu'il est, ce ne serait pas si grave. Le cinéma américain commercial nous en sert bien assez souvent pour qu'on s'y soit habitué, et qu'on arrive à regarder ces crétineries avec une indifférence bien innocente. Mais il est signé Sydney Pollack, le type qui, quoi qu'on en dise, a servi des films bien efficaces, fut un temps. Et du coup, on passe de l'indifférence à la colère pure, et on se retrouve en train d'insulter son lecteur dvd en le menaçant de chaque objet contondant qui traîne à portée de main.
D'un ridicule achevé, ce film semble signé d'un de ces tâcherons qu'Hollywood et son public décérébré affectionnent (Michael Bay ou Joel Shumacher, pour n'en citer que deux). La trame ferait hurler de rire les scénaristes de 24, et les situations s'engouffrent dans le n'importe quoi avec un joyeux je-m'en-foutisme : mais oui, bien sûr, on peut planquer un fusil gros comme une cuisse dans une poubelle de l'ONU ; mais bien sûr, pas de problème, les dissidents politiques africains peuvent prendre un bus en plein Manhattan sans que personne s'en rende compte ; mais, je vous en prie, faites donc, un dictateur invité par le gouvernement américain peut se retrouver seul à seul avec une interprète dans une pièce hyper-sécurisée... On va d'anachronismes en illogismes, et le grotesque fait son apparition toutes les deux minutes. Ce grand n'importe quoi finit par contaminer les acteurs eux-mêmes, qui semblent souffrir de se retrouver au milieu de cette galère. Pollack dispose de deux des plus grands acteurs du moment (Kidman et Penn), et ne leur fait jouer que des rôles de pantins complètement artificiels. A ce petit jeu c'est Kidman qui s'en sort le mieux. Aussi crédible en réfugiée du "Matobo" ancienne rebelle que moi en Sébastien Chabal, elle tente de se la jouer dans la sobriété (rareté du geste, voix grave et calme, visage bouffé par ses cheveux, regards subtils par en-dessous), et réussit parfois à être troublante.... jusqu'à ce qu'on lui demande d'agiter un flingue, où là elle devient hilarante. Face à elle, Penn est inexistant : quand ce gars n'est pas dirigé, il peut être très mauvais, ce qu'il est ici à notre grand dam (et au sien aussi, visiblement, tant il semble ramer pour trouver quoi faire de ce rôle sans saveur). La présence de ces deux monstres à l'affiche de The Interpreter ne semble être justifiée que par l'argent que leurs seuls noms doivent rapporter.
Pour le reste, outre la maladresse totale de la mise en scène (sans rythme malgré les 11000 plans/seconde), outre le montage cradouille (je signale à la police new-yorkaise que Sean Penn est garé en double file pendant toute la nuit de complicité entre lui et Kidman), et outre la musique d'ascenseur, ça tombe même parfois dans le politiquement douteux, surtout la fin, encore une fois grotesque. Un dictateur odieux, sous la menace du revolver de Kidman, est obligé de relire l'autobiographie qu'il écrivit dans sa jeunesse, au temps où il était gentil. Il se rend compte d'un coup comme il a été vilain de perpétrer des génocides, son regard se trouble, il bat sa coulpe, et hop, Pollack nous sert deux ou trois plans vibrants d'émotion et de musique Haribo de coucher de soleil sur l'Amérique démocratique et pacifiste (en voix off, le jugement du dictateur devant la Cour des Droits de l'Homme). On croit rêver. Mais c'est plus à un cauchemar qu'on a droit. A gerber.