Vers sa Destinée (Young Mr. Lincoln) (1939) de John Ford
Henry Fonda domine de la tête et des épaules ce film en endossant la veste amidonnée de l'Abraham Lincoln. Tour à tour grand orateur, humoriste sachant séduire les foules et les calmer (moins les femmes...), figure humble et contemplative (les scènes de balades auprès de la rivière sont d'une grande sérénité), Fonda réussit le portrait d'une figure historique dans sa jeunesse, qui se distingue par son originalité et son sens de la répartie. L'intrigue est fondée essentiellement sur le procès de deux jeunes gars de la campagne accusés d'avoir poignardé l'adjoint du shérif alors que ce dernier les avait chauffés grave et possédait un gun - meurtre ou légitime défense? Si la foule est prête à lyncher sur le champs les deux provinciaux, l'Abe va non seulement apaiser cette foule mais va également endosser le rôle d'avocat pour un procès qui s'annonce perdu d'avance. Sachant magner l'humour à deux balles pour plaire au cul-terreux ("John Palmer Cass (un témoin-clé qui accuse les deux jeunes gars) comment vous appellent vos amis? - Jack. - Je peux donc vous appeler Jack Cass...? - et la foule de se bidonner alors qu'en 1832 la série n'existait point, je le dis pour les tout jeunes qui nous lisent), tout en remettant les pendules à l'heure sur le respect des droits de chaque individu, il finit par gagner l'attention puis les faveurs de la foule qu'il rallie à sa juste cause. Du haut de ses deux mètres (ah si, facile, avec le chapeau) il en impose par son espièglerie et sa finesse de pensée; Ford prend son temps pour filmer cet homme qui s'assoit la tête en bas ou qui se plaît à jouer de la guimbarde sur sa mule, et n'a pas besoin d'abuser des contre-plongées pour nous montrer la dimension prise par son champion; un héros certes doué pour la rhétorique et beaucoup plus malheureux au niveau sentimental - sa mère, ben elle est morte, sa soeur ben pareil, et sa petite copine, itou (belle séquence sur sa tombe sous la neige qui décide de sa voie)- bref il a plutôt fait le vide autour de lui. Si on est peut-être pas au niveau d'un Dutronc dans Van Gogh, Ford creuse le même sillon en rendant cet énorme personnage légendaire simplement attachant - ou tout simplement, disons-le, humain.