Trains étroitement surveillés (Ostre sledované vlaky) (1966) de Jirí Menzel
Adapté d'un roman de Bohumil Hrabal, cette histoire se passe dans une gare tchèque pendant la deuxième guerre mondiale. Malgré le fond historique, Menzel a l'intelligence de nous faire suivre le parcours initiatique du Milos Hrma (prononcez "...", euh non rien) qui débarque dans cette station où les petites pépettes sont légion. De la tentation à l'exploit en passant par le doute, notre Milos va connaître en raccourci tous les affres et les joie de la vie.
Il faut reconnaître à Menzel un certain culot pour aborder ce récit dans les années 60, d'autant qu'il ne fait aucune impasse sur les moments les plus terribles dramatiquement (la tentative de suicide) ou les plus chargés érotiquement (magnifique scène de "tamponnage" sur les fesses, eheh, sans parler d'un massage de cou d'une oie qui, croyez-moi ou non, peut être chargé de signification sexuelle). Milos est un ado un peu mal dégrossi qui tombe dans une gare où chaque personne tente de le prendre en main; il faut avouer que ce n'est pas non plus le gros rush et que chacun semble plutôt préoccupé à réaliser ses fantasmes qu'à taffer pour les Allemands ; lorsque Milos retrouve la chtite Masa qui l'invite à venir dormir chez elle, on se dit que bosser dans une petite gare en Tchécoslovaquie même à cette époque pouvait avoir du bon. Le pauvre Milos est malheureusement éjaculateur précoce et plonge non seulement dans la dépression mais aussi ses poignets tranchés dans l'eau chaude... Il lui faudra les mains expertes d'une résistante Allemande pour le libérer... Si la fin est particulièrement héroïco-tragique, l'ensemble du film baigne dans une douce dérision, à l'image de cet homme qui a donc tamponné les fesses d'une jeune télégraphe et qui sera finalement condamné pour "abus de la langue allemande".
Menzel parvient sans avoir l'air d'y toucher à faire un subtil portrait de jeunesse; grâce à une excellente direction d'acteurs, sans même que le film ait besoin d'une trame narrative évidente, il nous émoustille de séquence en séquence jusqu'à l'explosion finale: un art d'une grande finesse dans le double sens, une psychologie adolescente parfaitement cernée dans ses espoirs et ses faiblesses.