Fatma de Khaled Ghorbal - 2001
Malgré la bonne santé du cinéma maghrébin récent, qui semble enfin vouloir sortir de ses clichés espérantistes, il reste encore quelques séquelles de l'ancien temps, quelques-uns de ces films qu'on dirait créés pour les pages découverte de Télérama. A force de filmer pudiquement l'histoire pudique d'une femme pudique confrontée à des hommes pudiques, Ghorbal finit par transformer la pudeur en pudibonderie, et reste tranquillement à 30 bornes de son film, le regardant se faire avec le rouge aux joues. Fatma n'est pas un film sur une jeune fille, c'est un film DE jeune fille.
Il aurait fallu une autre paire de glaouis pour traiter ce sujet, pourtant beau, de l'émancipation d'une femme dans le monde sclérosé de la Tunisie d'aujourd'hui, où les hommes perdent peu à peu leurs repères usés face à des épouses qui osent enfin être elles-mêmes. Fatma trouve l'homme de sa vie, en la personne d'un gars plutôt sympa et progressiste ; mais elle s'est faite violer à 17 ans, et quand la vérité éclate, le mari s'avère être aussi obtus que les autres. Bon, pourquoi pas ? Ca aurait pu être un film très courageux, d'autant que Ghorbal sait indéniablement montrer la mutation d'un pays passé dans le camp de la modernité, à travers ses décors notamment. Ca aurait pu, mais ça n'est jamais, à cause de cette distance effrayée par rapport à son histoire et à ses personnages. Jamais Ghorbal ne s'approche, jamais il ne saisit son sujet à bras-le-corps, préférant nous asséner ses éternelles scènes obligées de "youyou" de mariage et de musique poignante, et ses éternels gros plans concernés et compatissants sur des visages de femmes tristes. Il manque là-dedans un vrai caractère, une colère, une urgence, une volonté de crier. Tel quel, Fatma est politiquement juste jusqu'à l'écoeurement.