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Shangols
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GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
9 mai 2021

Solaris (Солярис) d'Andrei Tarkovski - 1972

Solaris fait partie de ces films dont on sent bien que l'on n'en épuise qu'une toute petite partie à sa première vision, et qu'il faudra qu'on y revienne inlassablement avant d'en percer réellement les mystères. Autant dire tout de suite, pour aller au plus juste, que c'est un immense chef-d'oeuvre, dans lequel fond et forme s'harmonisent pour donsolaris07ner une oeuvre étrange et d'une profondeur abyssale.

Comme dans 2001 de Kubrick, parallèle évident, Tarkovski se sert d'une vague trame de science-fiction pour fouiller des thèmes hyper-"naturalistes" : la confrontation d'un homme avec son passé, et par là avec sa conscience, et par là avec la condition humaine dans toutes ses vanités. Cette histoire de gars envoyé sur une base spatiale pour remplacer un scientifique suicidé ne trompeSolaris7 personne : même si le film reste accroché à ce sujet en surface, il plonge bien vite dans un tout autre scénario, beaucoup plus profond, quand le héros rencontre une femme qu'il a aimée jadis, et qui est morte depuis longtemps. L'irrésistible attraction de la planète Solaris lui fait confondre inconscient et réalité, jusqu'à la folie et au doute moral. D'où vient ce sentiment de perfection dans le traitement du conflit entre science et conscience ? Peut-être du rythme, certes très lent, qui à grands coups de plans-séquence donne au film cet aspect douloureux, pesant dans le bon sens du terme, lourd d'implication ; peut-être solaris01de son esthétisme glacé, alternant noir et blanc et couleurs sans aucun complexe formel, avec toujours une intelligence prodigieuse ; peut-être des personnages, tous abandonnés à leur folie et leurs angoisses métaphysiques. Au bout du compte, on se pose les mêmes questions qu'eux, on éprouve les mêmes angoisses : rien n'existe dans l'univers que l'intolérable expérience de la solitude, que la confrontation éternelle avec son passé. Houellebecq n'aurait pas fait mieux.

C'est pas très gai, jeCapt_Image veux bien l'avouer. On ressort de Solaris avec cette peur et cette tristesse que nous font parfois éprouver les artistes qui ont su trouver les mots pour dire la petitesse de l'être humain. Mais Tarkovski sait l'art du contrepoint (comme Bach, dont la musique scientifique en même temps qu'hyper-sensible est parfaitement utilisée) et place dans son film quelques plans lumineux sur un paysage de campagne, une femme qui dort ou un chien (détail important) qui court. Et tant pis si de nombreux plans restent obscurs, inexpliqués : on a l'impression de tout comprendre de cette longue plainte. Solaris est définitivement un des plus grands films du monde. (Gols 14/09/07)


Ah oui, sans doute l'un des films de Tarkovski à la fois les plus complexes dans les thèmes qu'il brasse et l'un des plus lumineux. Avant de rentrer dans le vif du sujet et pour faire un lien (forcément) avec le livre, j'ai beaucoup aimé cette première partie (sur Terre) qui permet de faire passer la plupart des aspects "théoriques" sur Solaris. Tout en discourant sur les curieux phénomènes qui ont lieu sur Solaris, le personnage principal, Kris Kelvin, est mis en garde par rapport à sa prochaine mission ; quoi qu'il en pense, il risque sur place d'être confronté à quelque chose qui le dépasse. Mais notre homme demeure sceptique et ce sera à lui, sur place, de faire sa propre expérience (comme tout un chacun, finalement, puisqu'il s'agit d'un lieu où l'on est face à sa propre conscience)... Solaris, purgatoire, enfer ou paradis ? C'est forcément la question que l'on est amené à se poser bien que Tarkovski tente d'éviter dans ses décors toute analogie avec une quelconque religion. Le fait est que Kris va être confronté sans doute à ce qu'il y a de pire (et ce même si ses deux compagnons restant semblent avoir du mal à gérer les "démons" qui habitent leur conscience et qui prennent vie sur Solaris...) : un ancien amour.

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C'est sans doute, comme dans le livre, ce qui me semble le plus réussi et le plus prenant dans cette histoire, au-delà de tous les questionnements ontologiques qui sont convoqués. Après une première réaction pour le moins expéditive (qui n'a pas rêver d'envoyer un(e) ex dans une fusée pour la laisser pour toujours en orbite, hein ?), Kris revient sur terre, à ses sentiments d'antan et retombe amoureux de cette créature envoyée par la planète "pensante". Après un premier mouvement de rejet (comme si ce cadeau ne pouvait être qu'empoisonné, comme s'il fallait à tout prix se méfier de cette planète extra-terrestre - l'inconnu, la peur, et la fourberie...), Kris se laisse totalement aller à son penchant naturel, instinctif et, tout en sachant ce qu'elle est, cherche à protéger cet individu... Il y a beaucoup de beauté, de poésie dans cette volonté coûte que coûte de faire durer cet amour, quels que soient les avis et les mises en garde de ses collègues, quels que soient les défauts de cette femme qui se construit et "se reconstitue" à vue... Kris, lucide pourtant en un sens, s'aveugle volontairement face à ses sentiments... Le pire, sans doute, dans cette histoire, c'est de voir que la femme elle-même, consciente de n'avoir une existence qu'en tant que projection du cerveau de Kris cherche à s'auto-détruire - comme si elle se devait de refuser, elle, de rentrer dans ce jeu de dupe ; d'où la folie douce, la fièvre, le désespoir de Kris qui ne peut pas même avoir le droit de se lover dans ce leurre amoureux...

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Une planète-conscience, c'est tout le jeu de miroir qui se met en place dans cette œuvre sans fin (mais avec triple fond), où chacun doit faire face à ses fantasmes, à ses pensées les plus enfouis... Si Kris a la chance de ne pas voir apparaître un monstre (l'homme est sain même s'il a un poids sur la conscience en ayant négligé cette femme qui s'est suicidée par sa faute), il semble totalement pris dans cette mélasse sentimentale dont il est incapable de se défaire - c'est aussi le côté cruel de ce film qui n'en finit pas de jouer, dans une ambiance très anxiogène, sur ces rapports entre intimité, bonheur d'être allongé auprès de la femme aimée et torture de savoir si cet être n'a d'autre existence que par rapport à la sienne : un miroir à double face qui permet de "contenter" les sentiments qu'on éprouve mais de façon finalement purement égocentrique. Kris doit-il succomber à ce prodige, à ce miracle ou doit-il se défaire une bonne fois pour toute de cet être, de ce passé, de cet amour tronqué... Solaris l'obligera à le plonger jusqu'au bout de sa conscience (cet ultime idée de l'îlot de conscience sur la planète !!!) et ne trouvera refuge, repos, soulagement (?) qu'aux genoux du père, comme s'il fallait boucler la boucle et revenir à ces temps tranquilles de l'enfance ou purger sa peine, ses douleurs (?) auprès de celui auquel on doit son existence (la figure de la mère apparaissant, elle, dans un rêve, comme simple figure consolatrice et apaisante). Un film qui, lentement, nous plonge au fond de notre conscience même, une œuvre, à l'esthétisme résolument chiadé, en forme de questionnement intime qui nous transperce, tel des rayons X. Soixante-douze, année du blues. (Shang 10/05/21)

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 Se taper Tarko

Commentaires
J
Pourquoi parlez-vous d'"hyper-naturalisme" ? En quoi la démarche de Tarkovski est-elle naturaliste ?
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