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Shangols
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28 août 2007

Mémoires d'Immigrés de Yamina Benguigui - 1997

aff_immigresJoli projet que celui de Yamina Benguigui : retracer en trois étapes la vague d'immigration maghrébine en France, depuis l'effort de reconstruction d'après-guerre nécessitant une main-d'oeuvre malléable et bon marché ("Les Pères"), en passant par la volonté de regroupement familial ("Les Mères") pour finir par la seconde génération de jeunes partagés entre les deux cultures ("Les Enfants"). En 2h30, la réalisatrice tente de mettre à plat les décisions politiques, de les mettre en regard avec les sentiments des uns et des autres, et d'enregistrer une mémoire forcément hétérogène suivant les sexes et les générations.

Le film est assez émouvant, dans sa volonté de traquer des regards, des voix qui se brisent à certains souvenirs, des révoltes rentrées et des rires de soulagement. Beau travail également de recherches d'archives visuelles, notamment dans cette improbable visite de Giscard dans un bidonville parisien ou dans ces vieux films d'immigrés arrivant dans le pays abasourdis et effrayés. Mémoires d'Immigrés est un film salvateur, qui donne à voir et à entendre des êtres souvent discrets (les pères maghrébins au verbe mesuré et fort, les femmes peut-être encore plus tournées vers le passé que leurs maris, les jeunes qui relativisent et assumment complètement leur vie).

Mais je ne peux m'empêcher d'être gêné par plusieurs aspects. La mise en scène du documentaire est un peuLBA_DVD_00681_vig_237 trop appuyée. En montant des chansons maghrébines qui viennent nous imposer un sentiment, en choisissant cette esthétique un peu clinquante, en filmant souvent des choses peu intéressantes mais qui veulent désespérément faire sens (des pas dans la boue, un café qui fume, une jeune femme dans son costume d'avocate), et surtout en mélangeant dans un désordre complet théorie politique, expérience subjective, et portrait social, Benguigui passe souvent à côté de son sujet. Ou plutôt elle le floute : de quoi a-t-elle voulu vraiment parler ? Si c'est un portrait des sentiments profonds de ses protagonistes, le film s'attarde trop longtemps sur les perspectives historiques ; si c'est un documentaire politique, à quoi servent ces micro-détails (très beaux, cela dit) sur les aventures des uns et des autres, sur les photos de famille ? On ne sait pas trop sur quel pied danser. D'autant que Benguigui rajoute à la confusion en ne filmant qu'un dossier_immigresaxe de son sujet. Dans la 3ème partie en tout cas, elle nous montre des jeunes "issus de l'immigration", comme on dit, mais qui "ont réussi". Et là, elle plonge de plain-pied dans le piège classique. Non, on ne doit pas accepter les immigrés seulement parce qu'eux aussi peuvent réussir. On aurait aimé que le film nous montre aussi des jeunes en échec, des gens perdus, pourquoi pas des gens qui ne réussissent pas leur intégration, et que le discours du film soit plus démocratique et fort encore : acceptons aussi les gens qui ne réussissent pas, qui ne sont ni avocats, ni politisés, ni même cultivés. Là résidait le vrai courage d'un film qui, en l'état, ne voit les choses que par un bout de la lorgnette, et pas forcément le plus grand. La fameuse politique du mérite n'est pas loin.

Reste un beau témoignage et une intéressante remise en perspective de 60 ans d'Histoire. Et reste, surtout, un film-doigt d'honneur à Sarko, qui affirme haut et fort un discours qui va à l'encontre de toutes ses pensées sécuritaires et xénophobes. Et gloire à cette mère algérienne qui s'écrie : "On restera là. Même si on nous chasse, on restera là. On est de ce monde".

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