Beau-Père de Bertrand Blier - 1981
J'ai beau être, comme mon compère shanghaien, un admirateur des premiers Blier, il faut bien reconnaître que ses films ont vieilli, ce qui est le lot de la plus grande partie du cinéma français des années 80. Nostalgie ou expérience, je ne sais pas, mais je me suis réjoui de revoir ce Beau-Père particulier dans l'oeuvre du gars... et lui aussi a pris pas mal de rides.
Rien de honteux pourtant : le film garde beaucoup de son souffre, même 25 ans plus tard, et on est assez bluffé par l'audace du sujet, en se demandant même si un tel brûlot pourrait sortir aujourd'hui. En filmant assez frontalement les amours illicites entre un homme malheureux et sa belle-fille de 14 ans, Blier frappait fort, même si son film est en fin de compte assez "innocent", se résumant somme toute à une histoire d'amour impossible comme ont su en pondre les grands romantiques. Car, sous ses aspects de froideur de laboratoire, Beau-Père est bel et bien romantique, histoire d'amour fou réprouvé et de ce fait condamné d'avance. En traitant son sujet à égalité avec les autres histoires d'amour plus classiques, Blier trouve la distance juste. Dewaere porte très bien cette simplicité de ton au milieu de la provocation la plus limite : il est l'homme malheureux par excellence, tout en finesse quand il s'agit de jouer la dépression, la peur, l'amour frustré. la mise en scène de Blier est au diapason, laissant pour une fois tomber la virtuosité un peu roublarde de ses comédies : sa caméra se fait élégante, très mobile sans ostentation, dans les scènes de dialogues notamment, où l'incessant recadrage des personnages en travellings lents laisse apparaître des rapports nouveaux, des angles de regard chargés de sens. Pudique n'est pas le mot, tant le gars aborde son sujet frontalement et sereinement ; on devrait plutôt parler de justesse, loin des éclats rigolards habituels.
Ceci dit, là où Beau-Père accuse son âge, c'est dans tout le reste : la distribution (mis à part Dewaere, donc) est bien fade, y compris Baye ou Ronnet qui surjouent des rôles déjà très caricaturaux ; la musique est too much, morceaux de classique sclérosants et donnant trop de sens là où l'ellipse aurait été mieux vue ; les dialogues abusent des bons mots, gâchant la subtilité du film ; nombre de scènes sont râtées à cause d'une volonté de tout dire qui plombe l'ensemble (le dernier plan, une petite fille qui devient ado en 10 secondes est trop explicite ; les regards caméra de Dewaere sentent trop l'effort) ; Blier utilise trop de fil blanc, et le film réserve finalement peu de suprises une fois le sujet principal dévoilé... Reste un film courageux et témoin d'une époque, ce qui n'est déjà pas si mal.