Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Shangols
REALISATEURS
GODARD Jean-Luc 1 2
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
26 mai 2007

La Dolce Vita de Federico Fellini - 1960

DolceVita2

Comme le disait récemment mon collègue à propos d'un autre film (que je n'aime pas beaucoup, mais j'évite la bagarre), revoir un film pour la 1000ème fois peut amener de nouvelles émotions, une nouvelle façon de le regarder. Je n'avais pas regardé La Dolce Vita depuis au moins deux ans, et j'en gardais les mêmes images que tout le monde : l'impression floue d'un "tourbillon de la vie" (je cherche) parfaitement maîtrisé, baroque, échevelé. J'en gardais les scènes célèbres du bain dans la fontaine, de l'apparition de la Vierge, de ces nuées de paparazzis entourant des filles légères, de ces fêtes interminables et hystériques.

Dolce_20vita__20La_20_Fellini__202_webLa Dolce Vita, c'est effectivement ça, pendant une heure. Mais finalement, c'est la partie la moins intéressante. Attention, c'est du génie pur, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : une nouvelle fois, Fellini bluffe totalement par sa maîtrise de l'espace, sa gestion des 10000 figurants bariolés qui envahissent littéralement l'écran, ses rythmes de fou furieux qui se brisent sur des scènes comme suspendues dans le silence, son montage infernal entre images et musique. C'est immense, mais disons que c'est ce que Fellini sait faire, c'est ce qu'on retrouve dans nombre de ses films, d'Amarcord à Intervista.

Mais ce qui cloue le plus, et ce qui fait définitivement entrer La Dolce Vita dans les 5 ou 10 plus beaux films de l'Histoire, c'est ce brusque virage que prend la trame au bout de cette première heure hystérique : à partir de la séquence de l'arrivée du père de Marcello à Rome, l'énergie effrénée se transforme brusquement en tragédie totale. Dès lors, le film nous entraîne inéluctablement vers l'horreur la plus totale, l'enfer pour ainsi dire. Le monde superficiel décrit par Federico devient de plus en plus noir, de plus en plus morbide, si bien qu'on en vient à assister, à l'instar d'un Bunuel par exemple, à la décrépitude d'une société de consommation uniquement tournée vers la futilité et la joie de vivre. La dernière fête nous montre des cadavres debout, dansants, ricanants dans l'effondrement du monde. Voilà qui devrait calmer les gusses qui pensent que Fellini est le cinéaste de la fête : ce film-là est tourné vers la mort, et devient de façon infiniment subtil un plaidoyer métaphysique sur la déchéance. Mastroianni semble avoir tout compris de ce que visait son mentor : son jeu est poignant, d'une richesse infinie, du journaliste profiteur à l'amant violent, de l'amoureux transi au dandy grimaçant.

13580401_p

La grande force du film réside entre autres dans le fait de pas asséner cette moralité de façon didactique. La pinkus2_smallDolce Vita reste un film infiniment émouvant, ravageur même dans ses dernières minutes (une scène au bord de la mer où Marcello dit adieu à la simplicité des choses d'un simple geste de la main), et dans nombre de scènes rentrées, violentes, intimes (la mort de Cuny est une école de pudeur et de sensibilité). La symbolique inspirée de la raie géante qui s'échoue sur le sable à la fin finit de vous briser le coeur. Jamais Fellini ne retrouvera ce fragile équilibre entre sexualité baroque et tragédie antique. Ce film est sa pierre d'angle, son manifeste, son autoportrait. On hurle de joie devant la splendeur de sa mise en scène (travellings d'une fluidité parfaite, plans d'ensemble englobant les espaces dans un mouvement symphonique), et on pleure devant ce fond abyssalement désespéré. Ce film touche directement aux tripes. Je suis ravagé.

Je ne saurai que conseiller de façon insistante à notre lecteur karamzin de revoir ce chef-d'oeuvre pour réviser ses opinions douteuses sur le cinéma italien. Et remercier le jury de Cannes 1960 d'avoir donné la Palme à La Dolce Vita (je dis ça parce que Henry Miller était dans le jury cette année-là, juste pour signaler qu'il avait du goût).

tutte le pellicole di Fellini : qui

Commentaires
K
Hello,<br /> <br /> Quelques mots pour dire que je viens de me projeter " La Dolce Vita " en Blu~Ray ( excellent au demeurant ) et ... WAAOOUH ... J' en ressors tout retourné, bouleversé, halluciné ... un peu à la façon de ces Fêtards nimbés de Mer, d' Aurore et de Nausée ...<br /> <br /> Un peu de calme ... Vais m' prendre un Valium pour redescendre en douceur ...<br /> <br /> Génial cette Adresse fabriquée par des Cinéphiles pour des Cinéphiles.<br /> <br /> Ps~ <br /> <br /> Idem je l' avais pas vu depuis au moins 2 ans ... Fellini quel Sens Visuel il avait mon Dieu ... du pur Génie ...<br /> <br /> Grazie,<br /> <br /> Buona Serata, Ciao !!^^<br /> <br /> Ah oui, dernièrement tite chose pour la route, me semble pas que les plus grands Films de Fellini soit juste du Cinéma Italien ... ah non sans vouloir paraitre rabat-joie, on est dans l' Universel, au-dedans et ... au-delà ( pareil pour les grandes Oeuvres d' Akira Kurosawa, Mizoguchi ou Bergmn ...
Répondre
L
Je vais sans doute dire quelque chose d'assez banal pour les fins connaisseurs de ce chef d'oeuvre, et je ne sais pas si c'est mentionné quelque part, mais il me semble que beaucoup de scènes (si ce ne sont toutes les scènes - il faudrait que je revoie ça dans l'intégralité) sont filmées avec les personnages toujours centrés au maximum, comme s'il s'agissait de ne rater aucun de leurs mouvements, à la manière d'un véritable Paparazzo...
Répondre
T
N'ayant pas revu La Dolce Vita depuis longtemps, j'aurais pu dire comme Shangols que "j'en gardais les mêmes images que tout le monde : l'impression floue d'un " 'tourbillon de la vie'..."<br /> <br /> Grâce à Francesco (grazie mille Francesco!) J'ai maintenant envie de le revoir de toute urgence!... en prenant mon temps cette fois, car je ne l'ai naturellement jamais vu dans les conditions de sa sortie en salles, mais dans celles de ses rediffusions à la télé, qui, je le réalise à présent seulement, devaient atténuer fortement l'impact de la coupure médiane...
Répondre
G
Merci, Sofiane, pour cette contribution mystique mais néanmoins tout à fait pertinente. Ajoutez autant d'interludes que vous voulez sur Shangols, et nos révérences.
Répondre
S
Bonjour tout le monde,<br /> <br /> Merci pour la richesse de vos analyses (surtout Francesco :) )<br /> <br /> Je voudrais juste rajouter un detail qui abonde dans vos sens concernant la scéne final et qui est la forme de la raie qui rappelle celle de la croix du christ.<br /> <br /> Voila c'etait ma petite interlude :)
Répondre
Derniers commentaires
Cycles
Ecrivains