Les Quatorze Amazones (Shi si nu ying hao) (1972) de Gang Cheng
Méga-production des Shaw brothers, ce film a à peine plus vieilli que moi - 72, grosse année on a beau dire.
Voulant venger leur chef, 14 gonzesses veuves (tous les maris étant tombés sur les champs de bataille), la grand-mère, sa fille et sa petite fille, les 9 tantes de cette dernière, la grand-mère paternelle et la cuisinière (ben ouais ça compte) - soit une équipe de foot au complet avec trois remplaçantes - décident d'affronter le méchant envahisseur encadré de ses cinq fils - rien que le générique avec la présentation de chaque personnage, ça prend 12 minutes - plus que les hymnes. Comme ce sont des gonzesses, le temps qu'elles discutent le bout de gras, qu'elles se maquillent, qu'elles aillent chez le coiffeur, ça prend vingt plombes avant qu'elles se mettent en marche, mais elles sont remontées à bloc. Leur stratégie est simple, "passer par derrière" pour éviter le combat frontal et capturer le roi - les femmes et la guerre ça peut faire marrer mais ne soyons point médisants. Le premier véritable affrontement a lieu à l'heure de jeu, on a un peu peur d'être perdu avec ces 150.000 figurants (soit les habitants d'un bourg chinois) mais comme les ennemis sont fringués comme le Père-Noël, on finit par suivre l'action assez facilement: bilan du score 1 partout, 1 prince de mort contre la tante numéro 4, soit le stoppeur, pas trop grave. Petit problème malgré tout, les donzelles ont perdu leurs vivres dans la bataille: on propose d'abord de manger les chevaux mais c'est cruel, tout le monde acquiesce, un soldat est prêt quant à lui à manger son chien (non, c'est pas une légende, je confirme) mais il se fait sèchement rappeler à l'ordre - et là c'est le coup de génie: on construit un bambouoduc qui transperce les sacs de grains de l'ennemi, le blé tombant directement dans des sacs - faut être minimum ingénieur pour avoir une idée pareil et construire le truc et ça marche.
Les femmes continuent ainsi leur progression et parviennent à un pont qui doit les conduire en territoire ennemi - malheureusement le feu a été mis à ce dernier, on tente bien par la technique pleine d'audace du roulé-boulé de l'éteindre mais cela ne suffit point et seulement une partie de l'armée parvient à traverser le pont - on perd en route la tante numéro 1, le goal, c'est déjà plus emmerdant. A lieu alors la scène la plus incroyable du film: le pont humain; la technique consiste à faire deux colonnes humaine de chaque côté du ravin, de se laisser tomber dans une synchronisation parfaite et de faire la jonction en tendant les bras lorsque les 4 colonnes se retrouvent 90 degrés plus bas: c'est de la folie, on se dit, surtout sans entraînement, mais le miracle a lieu: toute l'armée finit par passer mais on sourit en coin en se demandant comment ceux qui font le pont vont pouvoir s'en sortir- et ben vous allez rire mais il trouve le truc, même s'il y a une petite coupure dans le montage... L'attaque finale peut enfin être mise en oeuvre, on décide de pêter un barrage pour noyer une grosse partie de l'armée ennemie aux avant-postes et, j'aime autant vous prévenir, ça va fighter dru et gras - le chorégraphe de tout le bazar c'est celui de Hero, alors je vous dis po. Six gonzesses au final manqueront à l'appel à la fin du combat mais la partie restante pourra rentrer victorieuse et la tête haute car au départ personne aurait parié. Les Amazones obtiendront un gros respect de l'empereur et demanderont que le banquet en leur honneur soit donné en offrande aux veuves mortes au combat- comme quoi, on se moque et pis...
Pour conclure un petit best of des meilleurs répliques, car les Shaw Brothers c'est du grand spectacle mais aussi de la grande littérature: "Mes entrailles sont plus belles que tes tripes de porc", lance une amazone à un ennemi scié; "Toutes les bonnes choses vont par paire" - je vous dis pas à quoi elle fait référence, je laisse un peu de mystère ; "Il faut être plus rusé que le renard pour l'attraper"; "ma mère m'a toujours dit que porter une femme sur les épaules ça porte malheur" - c'est quand même le type en bas de la pile, on comprend son appréhension, et d'ailleurs le gars va mourir dans la séquence suivante; ou encore cette réplique sauvage: "mon fouet éclate la chair et absorbe le sang!". Que du bonheur.