Le Vagabond de Tokyo (Tôkyô nagaremono) (1966) de Seijun Suzuki
Dès les premières images, on se dit que Tarantino a dû s'inspirer méchamment de ce film, pour Reservoir Dogs (les quatre hommes en noir qui encadrent au début Tetsu ont exactement la même démarche que la bande de braqueurs du film tarantinesque) mais aussi et surtout pour Kill Bill tant le mélange de noir et blanc et de couleurs chatoyantes (ou sylvievartanesques) - notamment ce jaune poussin -, tant la musique - avec ou sans parole - tant même les noms des personnages - Viper machin -, voire certains décors - dans l'immensité des volumes - semblent avoir été récupérés par le Quentin. Bon je m'attends demain à ce que ce dernier qui est un de nos fidèles lecteurs -et prend parfois le pseudo de Karamzin - me dise mais non pauvre andouille je ne l'ai même pas vu ton film. Po grave, je maintiens.
Donc ça part plutôt bien avec cet ancien gangster rangé des voitures qui bosse dorénavant en toute légalité pour son patron de toujours. Il se fait houspiller par un autre gang sans broncher, il y a de la petite pépée dans l'air, les décors immenses d'une simplicité Art Déco (les couleurs font parfois mal aux yeux mais on salue le chef op) sont glaçants et presque surréalistes par leur démesure et certains cadres - notamment ceux pris en plongée du plafond - impressionnent. On se frotte les mains en se disant qu'on va assister à un petit polar péchu japonais des années 60. Et pis je sais pas mais rapidement, alors que la guerre des gang risque de faire rage - on a parfois du mal à savoir qui est qui, qui travaille pour telle ou telle organisation (mais bon on a l'habitude d'être perdu), Tetsu décide de prendre le large pour enlever de la pression à son boss, devient vagabond et l'histoire se délite un peu... Certes me direz-vous, c'est justement le principe puisque Tetsu devient "vagabond", gangster errant; oui mais enfin psychologiquement on peut pas dire qu'on ait droit à un portrait vraiment fouillé du gazier et les multiples règlements de compte dans son entourage apparaissent plus comme du remplissage que participant vraiment au récit. Il faut attendre l'ultime séquence avec une vengeance et des flinguages chorégraphiés dans cet immense studio pour vraiment s'ébahir à nouveau... La fin est aussi relativement inattendue, un peu en queue de poisson puisqu'il abandonne la chtite pépée à son sort. Il devient à son tour un vrai loup solitaire, comme l'homme qu'il a croisé dans ses errances, ne pouvant plus se raccrocher à rien, puisque son ancien protecteur l'a trahi.
Comme dans beaucoup de ses films, Suzuki séduit le temps de quelques séquences mais peine à convaincre sur la longueur.