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Shangols
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7 mai 2007

Le Fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne - 2002

Encore une fois, c'est du grand art. Comme me le disait il y a quelques instants une de nos fidèles lectrices,fils les Dardenne, on trouve difficilement pire pour remonter le moral (et on est à H+4 de la victoire de Joe Dalton aux élections présidentielles). Mais je maintiens que se retrouver face à une vraie prise de position radicale est une façon efficace de faire passer la pilule. Les Dardenne sont de grands artistes engagés, et j'emmerde Sarko.

 

La grande force de Le Fils, c'est avant tout Olivier Gourmet. Opaque, puissant, retenu, impressionnant, ambigu, sobre, inquiétant, autoritaire, incompréhensible... tous les mots du Larrousse semblent inventés pour lui, et il porte le film sur ses larges épaules avec une force sidérante. C'est une habitude chez les Dardenne Brothers de faire tourner leur caméra autour d'un seul personnage, mais ici, ils trouvent leur interprète parfait, Gourmet étant en totale harmonie avec le p2mystère quasi-mystique du cinéma des gars. Le scénario est d'ailleurs à sa mesure : Le Fils distille les informations au compte-gouttes, et le film reste impénétrable dans sa plus grande partie. Pourquoi Gourmet est-il attiré par ce jeune apprenti ? Comment va-t-il révéler sa vérité ? Que s'est-il passé avec cette femme qui vient lui rendre visite ? Les rebondissements de l'histoire sont balancés de façon extrêmement brutale, sans qu'on s'y attende, sans effet pourtant. Les réalisateurs savent ce que c'est qu'un écriture : la leur est violente, terrassante dans ses déroulements, dans la sécheresse de leur style. Peu de dialogues dans ce film : des phrases courtes, informatives, arides, qui ne disent rien de plus que ce qu'elles ont à dire. Dans leur constante méfiance du symbolisme, les Dardenne s'affirment comme des spectateurs avertis du monde, et comme des artistes contemporains hors-norme.

p3

Et puis il y a la mise en scène, extraordinaire. Constitué presque uniquement de plans-séquences, avec une caméra hyper-mobile (jusqu'au vertige) qui cadre constamment les nuques, les dos, comme si elle craignait le contact du fac-à-face, Le Fils radicalise encore le style de Rosetta. C'est une traque inlassable de ce personnage autiste, qu'on ne quitte pas d'une semelle. Quand un autre comédien rentre dans le cadre, c'est presque incidemment, comme si la caméra enregistrait des choses malgré elle. Un "cinéma-vérité" très tenu, et qui fait de la théorie dans l'urgence, dans la précipitation. Car urgent, le film l'est : on est happé par ce rythme de fou furieux, qui déroule ses tensions de façon linéaire et précipitée, jusqu'à la révélation finale (que je ne dévoilerai pas, le film étant plein de suspense). p4Grande idée d'avoir fait de Gourmet un menuisier obsédé par les angles droits et les chiffres (il sait calculer n'importe quelle distance au centimètre près) : sa vie rectiligne et rigide est bouleversée par l'arrivée de ce jeune gars taillé dans un bloc. Tous les détails de scénario et de mise en scène mettent en valeur ce bouleversement, mais toujours de façon subtile et intelligente : la gaine que porte Gourmet, la partie de baby-foot (qu'on appelle visiblement "kicker" en Belgique), la façon d'amener le personnage de l'apprenti par touches de plus en plus nettes, la thématique des "ronds" opposée aux lignes droites,... C'est du cinéma parfaitement tenu, intello sous des dehors de brutalité. Pourquoi les Dardenne n'ont-ils pas eu aussi la Palme pour celui-là ?

Commentaires
A
Certes l'Art triomphera peut être toujours. Les périodes difficiles sont parfois fastes en création. Mais combien d'exclus ? de gens tendrement reconduits à la frontière ? de chômeurs sans droit ? combien de réacteurs nucléaires ? d'OGM dans nos assiettes ? de porte-avions ? combien de profs en moins ? quel restrictions pour le budget de la recherche en environnement ? quid de la CMU ? des 35h ? du droit de grêve ? <br /> (Entre nous Shang, vu ce que tu dis sur le vote de tes cons patriotes, vaudrait mieux faire voter les sans papier français que les expats shanghaiens.) (c'est la pensée du jour, faut pas m'en vouloir, passé une mauvaise nuit)
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K
eh bien moi qui ai tjrs fait rimer le cinéma des frères dardenne avec crise sociale, me voilà tout chamboulé d'apprendre qu'ils ont aussi versé dans le psychodrame, je ferai le détour du coup, un de ces soirs. Royal le papier sinon, comme ségo.
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G
Je confirme, ce commentaire est mignon et gentil. Quant à ton optimisme, ami Shang, je veux y croire moi aussi. No passaran les pas beaux. A nos lecteurs de dvd, quoi...
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S
Merci, c'est le genre de petit message qui va droit au coeur. Ici à Shanghai le nain Sarko a fait 53% au premier tour et 71% au second, autant dire qu'on y réfléchit à deux fois avant de serrer la main d'un "compatriote" (existe aussi en deux mots). Mais bon ne dramatisons point à l'excès, l'art (et non cette pseudo "volonté") finira toujours par triompher - si.
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A
Une de vos fidèles lectrices ? <br /> quelles sont les autres ? <br /> Je veux l'exclusivité !<br /> <br /> Attention, la jalousie, égocentrisme et mégalomanie pointe, dans ce pays, où visiblement il faut ça pour être élu...<br /> <br /> Bref, moi je dis, tant qu'on peut lire Shangols, le matin au réveil, il reste une petite lumière dans la nuit. Merci d'exister. Et il faut urgemment que je vois ce film, que j'avais loupé à sa sortie.
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