Baby Face (1933) d'Alfred E. Green
Lily Powers -la Stanwyck - est une bombe et rien ne lui résiste dans cette version non-censurée (5 minutes en plus et quelques changements) de Baby Face. Elle gravit les échelons de la société un à un, oubliant de jeter un oeil sur ceux qui chutent au passage. Lily, la tigresse, elle déchire grave.
Du boui-boui de son père, auquel elle n'hésite pas à répondre violemment, voire à se jeter dessus lorsqu'il parle mal à la serveuse noire (faut dire qu'en tant que tenancier pochtron qui est prêt à vendre sa fille contre quelques billets et la protection d'un politicien, il se pose là) au penthouse du fils d'un riche banquier, elle va en faire du chemin la Lily, suivant les préceptes de... Nietzsche: il vaut mieux être maître qu'esclave et autant annihiler tout sentiment pour aller jusqu'au bout de soi. Elle séduit tous les hommes un par un, du contrôleur du train qui la mène à New York à un riche banquier et son beau-fils qui vont s'entretuer pour elle (la scène du coup de feu est si soudaine que je n'ai pas pu m'empêcher de lâcher un "ahh" de stupéfaction, Proutouie qui se fait vieux ouvrant même un oeil de surprise). Scène de séduction de feu (magnifiques gros plans au passage sur la blondinette aux yeux de hyène) lorsqu'elle amène un secrétaire dans les bureaux privés ou son patron... dans les toilettes pour dames (Elle est comme ça Lily...). Elle sait aussi rabrouer les hommes en leur cassant des bouteilles sur la tête et ose même rembarrer John Wayne dans une apparition fugace qui repart Gros Jean comme devant. Elle finira même par tomber le fils-héritier du banquier, qui n'est pas tombé de la dernière pluie, lui avouant au passage qu'il la déçoit d'être finalement comme les autres... (Dur d'être un homme...). Happy end après moult drames, malgré tout, car la Lily n'oubliera pas au final qu'elle a aussi un coeur. Le film est mené tambour battant et on se dit qu'en 33, on savait déjà mener sa barque aux US. Il y a même un petit passage à Paris, qui pour une fois ne tombe pas trop dans les clichés - même si la Harwyck au taff est parfois un peu habillée comme un caniche nain de compèt, mais bon on se fait une raison en se disant que c'était la mode de l'époque... Certaines robes et certaines coiffures (ouais on parle peu chiffons sur ce blog...) sont tout de même violemment modernes et fatales...
Petite comparaison rapide sur les deux versions (joie d'avoir la version ciné censurée sur le même dvd pour se le permettre) : un générique de début plus long pour présenter les personnages (mouais...) et surtout plusieurs petites coupures: on insiste peu sur son patron qui prend le chemin des toilettes pour dames ou encore censure totale de la séquence de cassage de bouteille - ce qui amène d'ailleurs un montage ridicule dans la version ciné, Lily mettant une baffe au politicien et au plan suivant celui-ci sort du bar la tête en sang... Toutes les allusions à Nietzsche qui est pourtant l'un des moteurs du récit ont été coupées, remplacées même au milieu du film par une lettre stupide (au lieu d'un passage sans concession du philosophe) disant à Lily qu'elle devrait être un gentille pitite fille - bref c'est po l'esprit du truc; cela n'avait d'ailleurs guère de raison d'être finalement, car la fin aurait pu être beaucoup plus tragique et amorale dans la version d'origine... mais bon, ne boudons point notre plaisir d'avoir une version restaurée quelques 73 ans plus tard...