Seul au Monde (Cast Away) de Robert Zemeckis - 2000
C'est quand même étonnant que l'auteur des survoltés Back to the Future, Who Framed Roger Rabbit ou Forrest Gump soit capable de pondre un film aussi apaisé et concentré que ce joli Cast Away. D'autant qu'il ajoute à la difficulté en engageant le pâlichon Tom Hanks. Mais il faut bien dire ce qui est : pour une fois, Hanks est vraiment bon, et même la pitoyable VF servie ce soir par TF1 (j'assume, mais difficilement) ne parvient pas à le rendre mauvais.
C'est donc un pari en grande partie réussi. Après une première partie très convenue, caricaturale, trop roublarde dans sa tentative de définir un personnage principal obsédé par le temps, Zemeckis le fait s'échouer sur une île déserte. Et là, pendant la plus grande partie du truc, Hanks est seul, son unique partenaire étant un ballon de volley (qui joue mieux, d'ailleurs, qu'Helen Hunt, tête à claques et à tics). Le réalisateur pose sa caméra et laisse le temps passer. Et on a alors droit au film anti-hollywoodien par excellence, qui accuse le coup de la puissance de la nature, qui montre la construction d'un feu dans sa durée, qui ôte tout dialogue pour laisser rugir la mer, qui ne cède jamais aux tentations du flash-back. Lieu unique, l'île devient l'ennemi à combattre, mais un ennemi qui combat à 2 à l'heure. Le désarroi de l'homme civilisé face au monde sauvage et "terne" de la nature est parfaitement rendu par Hanks, qui joue à merveille le beauf contraint à la débrouillardise, et par Zemeckis qui redessine subtilement l'histoire de l'Humanité. Alors bien sûr, ce n'est pas Straub : le gars n'arrive pas à s'empêcher de truffer son film de rebondissements, d'aventures, et Cast Away reste très convenu dans sa linéarité, et assez lâche dans les détails de l'aventure. Mais il n'empêche que certaines scènes, absolument vides, font leur effet : la construction du feu, donc, mais aussi la confection d'une corde, ou les rêveries de Hanks enseveli sous une grotte. Chapeau donc pour cet enregistrement du temps dans sa durée, qui ne cède pas toujours aux schémas classique du film grand public.
Quant à la dernière partie, si l'on excepte la scène boursoufflée avec Hunt, elle est très belle aussi, encore une fois grâce à Hanks, étonamment sobre, grâce à quelques idées courageuses (il y avait quoi dans le paquet sauvé par Hanks sur l'île ? Qui est cette fille croisée deux minutes ? Quelle route va choisir le personnage arrivé au carrefour de sa vie ? Que signifie ce sourire final), par un rythme bien tenu, et par la beauté d'un scénario enfin devenu adulte. Zemeckis n'a pas transformé l'essai depuis, mais c'est peut-être la beauté principale de ce film d'être à part dans l'industrie de l'entertainment. Seul au monde...