Peau d'Ane de Jacques Demy - 1970

Autant je peux ressortir bouleversé d'une 87ème vision des Parapluies de Cherbourg, chef d'oeuvre intemporel poignant et sombre, autant ce Peau d'Ane me laisse quelque peu froid. Pourtant, tout y est pour qu'on y retrouve le charme délicieusement surranné du père Jacquot : un côté ringard/ORTF complètement assumé, un romantisme coloré teinté de souffre, un second degré qui se fait passer pour un premier (je me comprends), des petites chansons à la con qui vous restent dans la tête, et des idées visuelles parfaitement kitschs et marrantes. On comprend bien ce qui a poussé Demy à tourner cette histoire, et toutes les voies qu'il a trouvées dans le conte de Perrault : toute la partie sur l'inceste est beaucoup plus sombre qu'il n'y paraît (surtout grâce au jeu de Jean Marais, émouvant en même temps qu'implacable dans ses choix ; et de Delphine Seyrig, insouciante et inconsciente), et on reconnaît bien là le monde dés-enchanté du maître. De même le dénouement ouvre la voie de la beauté intérieure opposée aux charmes du corps, avec une Deneuve (un peu absente) qui se révèle brusquement sous sa peau d'ane.

Il y a aussi pas mal d'idées assez mignonnes, comme ces serviteurs, ces chevaux ou ces décors entièrement bleus ou rouges qui dévorent littéralement l'écran (pas fait pour les daltoniens, c'est clair); comme ces ralentis absolument démodés pendant la fuite de Deneuve dans la forêt ; comme cette très jolie scène en longueur pendant l'essayage de la bague... Mais le rythme du film est un peu trop allangui, les acteurs sont un peu trop en retrait, et surtout l'histoire est trop tracée, pour emporter l'adhésion. Les chansons arrivent souvent comme un cheveu sur la soupe, et toute la partie "romantique" entre Perrin et Deneuve est pour le coup trop ringarde (on dirait un clip de Dave). Mon côté fleur bleue tend à disparaître dès lors qu'on veut trop me gaver de marmelade. Alors, je veux bien croire que ce film ravira les petites filles de 5 ans, mais pour moi, il m'a laissé avec un arrière-goût de Haribo dans la bouche. Je préfère quand Demy ose affronter les horreurs de l'amour plutôt que ses réussites.

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