Un Nommé Cable Hogue (The Ballad of Cable Hogue) (1970) de Sam Peckinpah
Alors qu'un froid de canard s'abat sur Shanghai, pas mieux qu'un petit western pour se retrouver la gorge sèche et rêver d'un soleil chauffé à blanc. Mission réussie avec cette oeuvre quelque peu négligée dans la carrière de Sam Peckinpah. Il ne s'agit ni plus ni moins d'une sorte de Walden dans le désert, une sorte du mythe fondateur de la Frontière américaine, avec cet homme qui décide de s'installer au bord d'une source qu'il a découverte à 80 km de toute ville à la ronde.
Cable Hogue (Jason Robards, tâte ma barbe si t'es un homme) est un type simple: abandonné par ses deux enfoirés d'acolytes en plein désert, il commence à réciter ses prières après quatre jours de marche forcée, complètement à sec; seulement un miracle n'est jamais impossible et il advient en prenant la forme d'une petite mare boueuse sur laquelle l'homme assoiffé se jette. Il voit vite l'opportunité qu'il peut tirer de sa découverte en proposant un hâvre de repos pour les chevaux et les gens de passage. Après un petit tour en ville où il fera la connaissance de la... euh... charmante Hildy (on ne peut pas se tromper c'est marqué sur son slip), Stella Stevens aussi fraîche qu'une bière - prostituée de son état et aux seins euh... troublants on va dire, tout comme son regard-, il entreprendra d'apporter la première pierre (ou bout de bois, on s'entend) à "Cable Spring", ville étape très peu fréquentée - une diligence par semaine, c'est po le feu.... Il parviendra bon an mal an à charmer par sa maladresse et sa tendresse pataude cette délicieuse créature blonde, tentatrice éternelle sans avoir besoin de pommes, qui n'hésitera pas à venir passer quelques semaines idylliques dans sa maison perdue en plein Eden sablonneux. Peu d'histoires vraiment contingentes si ce n'est celle de son partenaire de départ, un prêcheur à la parole vive et aux mains lestes (quand prêcher rime avec pécher... cela nous vaut quelques situations coquines) et la volonté de se venger un jour de ses deux faux-frères. Cela finira par advenir avant qu'une Hildy richissime revienne de San Francisco dans une automobile flambant neuve. Mais l'arrivée du progrès sera fatale au Cable, qui trépassera après être passé sous la voiture (on peut y voir une métaphore, tout à fait les gars, on a pas à se gêner).
Malgré un faux rythme (c'est pas le final de The Wild Bunch, c'est clair), l'histoire suit son chemin lancinant avec un certain charme désuet. Peckinpah se permet quelques scènes en accéléré pour faire le malin qui tombent un peu à plat mais pour le reste il s'attache à filmer chaque geste de cet homme qui se fond dans son environnement - du lézard lézardant au début du film aux serpents sonnettant sur la fin. Sans aucune prétention, ni chercher à forcer le message, on peut y voir un hommage à l'âge d'or de ces pionniers qui avant de chercher la fortune, avaient surtout l'intention de trouver une vie paisible. Cable Hogue a beau être hâbleur et flinguer pour se défendre, il apparaît surtout comme un homme d'une grande sérénité à l'affût des petits plaisirs - il n'était certes po obligé de hisser le drapeau américain sur son territoire nouvellement conquis, mais bon, à ce niveau-là on se refait po. Drapeau mis à part peut-être -et donzelle d'occase aussi, certes- Thoreau n'aurait sûrement point renié cette version westernisée du loup solitaire.