La Justice des Hommes (The Talk of the Town) (1942) de George Stevens
Une très belle idée de départ (salut Alfred), celle d’un homme soupçonné d’avoir incendié une usine et tué un homme, voué à la colère et à la vengeance du peuple (salut Saddam) qui parvient à s’échapper de prison. Il trouve refuge chez une ancienne collègue (Jean Arthur) et le Cary Grant, traqué, sur la défensive est plus que convaincant. On s’en frotte déjà les mains. Tout est réuni pour un huis-clos tendu comme un slip de nouvel an lorsque un homme de loi hautement respecté (Ronald Coleman), le nouveau locataire de l’endroit, qui était censé n’arriver que le lendemain bougre !, vient prendre possession de la maison. Cary est sur les dents, Jean ne sait plus où donner de la tête, Ronald est beaucoup plus stoïque que le clown de Mac Donald. Ce dernier est d’ailleurs contacté pour venir rejoindre la Cour Suprême des Etats-Unis : il passe sa vie dans les livres (la théorie monsieur) mais se retrouve rapidement confronté à Cary qui se fait passer pour le jardinier (l’homme d’action, man) ; si les deux passent leur temps à se prendre la tête sur les moyens d’agir, une certaine complicité s’installe entre les deux et on devine rapidement que l’homme de loi ne tardera pas à tendre la main à celui qui est promis à la
vindicte et au lynchage populaire. Si le scénario est un peu cousu de fil blanc, les passages de comédie (voire vaudevillesques au début quand une armée d’hommes débarque dans la maison alors que le Cary se cache dans le grenier) ne sont guère plus réussis : Jean Arthur en fait des tonnes et tout le flegme du grand Cary ne suffit pas toujours pour emporter le morceau. La fin avec le Ronald qui tire un coup de pistolet dans la salle d’audience pour ramener le calme et présenter le vrai coupable est vraiment limite gros gros sabot avec son discours sur la Justice, pilier de la société ricaine et patati et patata, ploum ploum, on est en 42, les Ricains se préparent déjà à se voir les arbitres du monde – pour un peu qu’on voudrait être méchant. A cent lieues du gigantesque Mr Smith au Sénat où la fougue de James Stewart et la caméra virevoltante de Capra emportaient tout sur leur passage. Un film qui reste néanmoins plaisant mais po sûr qu’il ait fait rire le Saddam. (Shang - 08/01/07)
Un peu mitigé moi aussi par ce film pourtant doté d'une forme assez brillante, et d'un casting en tous points remarquable. Le tout début, avec cette introduction bouclée en 5 plans, promet beaucoup : on entre dans l'histoire en quelques secondes, au fait de toutes les informations grâce à un montage et une suite d'idées très habiles ; et on a l'impression, avec ces ambiances noires, cette pluie diluvienne et cette musique tendue, qu'on va avoir droit à un drame du plus bel effet. Aussitôt le décor planté, nous voilà balancé dans la comédie pure, avec Cary qui fait des grimaces pendables et Jean qui perd la tête. On rigole, c'est frais, c'est une bonne idée d'avoir transformé une idée de scénario dramatique (effectivement à la Hitchcock) en vaudeville. Mais très vite, on se lasse, et Stevens avec nous. Une fois épuisée l'idée de Grant qui se cache dans le grenier alors qu'une amourette se trame au rez-de-chaussée, c'est-à-dire dès que notre héros sort du bois, il ne sait plus trop quoi raconter. Le combat entre deux théories de la Justice, l'une sage et légaliste, l'autre anarchiste et populaire ? Un trio amoureux cohabitant sous le même toit (avec ce dénouement sentimental très maladroit, je le dis au passage) ? Une glorification de la justice américaine ? Le film reste très agréable à regarder, joué à merveille (Jean Arthur ne m'a pas dérangé, moi, je l'ai trouvée toute fraîche et marrante), photographié dans toutes les règles de l'art, et c'est raconté avec rythme et enthousiasme. Mais le script est trop relâché, guère passionnant, et tout ça est bien trop attendu pour vraiment nous plaire. (Gols - 18/01/23)