LIVRE : Kafka sur le rivage d'Haruki Murakami - 2005
Un peu de littérature, les enfants. Murakami fait partie de ces écrivains qui écrivent toujours la même chose... ce qui n'empêche qu'on y revient à chaque fois, avide de replonger dans cet univers décalé, surprenant, indéchiffrable. La grande qualité de Kafka sur le rivage, comme de la plupart des autres bouquins du maître, c'est sa grande simplicité d'écriture. Tout est absolument linéaire, simple, droit comme une ligne claire. Sur cette écriture simplissime vient se greffer une histoire assez complexe : les histoires parallèles de Kafka Tamura, adolescent fugueur, potentiellement criminel, fou de lecture, amoureux d'un fantôme de 50 ans, et accompagné d'un garçon qu'on appelle Corbeau ; et d'un vieillard idiot, qui sait parler aux chats et aux pierres, qui fait tomber des pluies de sangsues, et qui a tué Johnny Walken (le type du whisky) pour l'empêcher de construire des flûtes magiques (et ça, c'est que les premières pages...) Un chapitre sur deux, qui bientôt, bien entendu, vont fusionner pour donner un seul destin.
Comme toujours, les aventures étranges (quelqu'un a plus branque, comme scénario ?) des personnages ne sont là que pour expérimenter un "zen concret", pour mettre en place une philosophie reposant sur les actes et les dialogues plus que sur la pensée. Très réussi encore une fois, surtout grâce aux dialogues, le bouquin ne parvient pas au génie de Chroniques de l'oiseau à ressort ou de La course au mouton sauvage, les deux livres les plus proches de celui-là. Peut-être trop de répétitions, ou trop de pages (il aurait pu en enlever une centaine sans problème). On se prend à avoir peur que Murakami ne rentre définitivement dans ce système qui a fait sa gloire, et ne remplisse un peu bourgeoisement un cahier des charges (mystère-humour-zen-fantaisie-sexe) qui peut lasser. Il n'en reste pas moins que Kafka sur le rivage (qui n'est pas la suite de Pipi dans la rivière, ça c'est fait) est passionnant, prenant et unique. Une manière de comprendre l'esprit japonais autrement que par la bière. Car Murakami, malgré son succès mondial, reste à 200% japonais, et ne cède jamais aux tentations de la mondialisation de son style. Son monde est opaque, trouble, profond au sens le plus "asiatique" du terme. Insaisissable, indéfinissable... zen, quoi, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Une étrange quotidienneté qui fait mouche à chaque fois. Je me précipiterai sur le prochain Murakami, ça va de soi. (Gols - 02/03/06)
Mon collègue ayant déjà partiellement résumé l'histoire en en donnant le la (non il n'y a pas d'erreur), je ne vais point y revenir. Il est question en effet de quête initiatique, d'une mystérieuse malédiction oedipienne et d'un type qui fait pleuvoir du maquereau quand il est las. J'avoue une certaine déception dans l'ensemble (ben oui tout arrive) disant de choeur avec le Bibice que cela sent parfois le remplissage, Murakami n'hésitant pas à tirer en longueur certaines scènes qui n'apportent rien, et je ne parle pas des dialogues qui frôlent parfois l'indigence (j'ai un peu honte, vu que le type risque de rafler le Nobel un jour). Je suis certes un grand fan devant l'éternel mais parfois, à trop vouloir brouiller les pistes pour le plaisir sans donner vraiment de quelconques clés, on finit par se demander s'il a vraiment quelque chose d'intéressant à nous dire: il ressort le coup des ombres qui disparaissent (déjà vu ailleurs chez lui), fait parler les chats (guère plus profonds que les paroles de l'homme-mouton) et se complaît dans des délires oniriques et des actions par procuration qui auraient gagné à être simplifiés ; les histoires d'amour sont à peine esquissées, les personnages féminins manquent de profondeur (et vite sacrifiés) et cette fugue salvatrice d'un gamin de 15 ans a tendance à s'embourber un peu. Suis un peu resté sur le rivage tout comme le Kafka du titre. Murakakirikami ? (Shang - 13/12/06)