Fragile de Jaume Balagueró - 2005
Un p'tit tour du côté du film d'horreur espagnol, ma foi, pourquoi pas ? D'autant que celui-ci est d'assez bonne tenue. Sans hurler au génie, je remarque quand même que, malgré des effets archi-vus et revus ailleurs, et malgré des références un peu sclérosantes, Balaguero est arrivé à foutre les jetons à l'auteur (certes fragilisé par la fatigue) de cet article.
Pourtant, rien ne laisse présager un succès. Dès les premiers plans, on sent planer la présence de Shining, définitivement la plus grande référence du cinéma d'horreur : même plan en plongée sur la voiture qui file sur la route (j'ai vu ce plan reproduit dans 48347 films), quasi-même personnage de black qui accueille la future victime (et qui porte la même doudoune ou presque), mêmes couloirs inquiétants, mêmes ascenseurs défaillants... On se dit que le père Jaume met la barre un peu haut. Ensuite, les références s'accumulent : Dark Water pour ces histoires d'enfants-fantômes, Scream pour cet amusement avec les conventions de mises en scène (attention ! le miroir qui s'ouvre et se referme va dévoiler bientôt une horreur), The Kingdom pour l'étrangeté des couloirs d'hôpital, The Thing pour les formes bizarres sous les draps... Que des bonnes références, me direz-vous... certes. On assiste donc à une suite d'effets rebattus, et l'amateur de ce genre de films que je suis les voit venir à 3 kilomètres. On a droit à tous les vieux trucs (portes qui grincent, ombres qui passent, crétins qui y passent aussi, petite fille inquiétante, femme seule et névrosée, grenier désaffecté, photo-de-1959-qui-dévoile-le-secret-inavouable, etc.).
Et pourtant, ça marche. Peut-être parce que Balaguero est (déjà) un vieux briscard, qu'il sait qu'on ne nous la fait pas, et qu'il utilise ces conventions pour les retourner assez habilement. Non, le fantôme n'apparaîtra pas pile poil sur la stridence de violon ; non, le monstre ne surgira pas dans le reflet du miroir ; non, la chute du film ne préparera pas un Fragile II... Tranquillement, la mise en scène utilise ses effets en léger décalé par rapport à nos références habituelles (pas toujours, hein, parfois ça tombe dans la facilité), ce qui crée une inquiétude lancinante. D'autant que le gars n'est pas avare en scènes flippantes : peu de séquences sont purement informatives, on sent Balaguero avide de nous foutre les chocottes. De plus, et c'est assez rare pour le constater, il ne met pas de côté les autres aspects de son film, notamment la direction d'acteurs : non pas tant les rôles principaux, assez fadasses, mais les enfants, qui sont absolument bien dirigés. La première scène, où un chtiot bambin se fait ballotement casser les deux fémurs par le méchant fantôme, est assez impressionnante grâce à la très bonne interprétation dudit môme.
On est très loin de l'originalité d'un Nakata, mais Fragile est un joli essai. Reste à Balaguero à se débarrasser de ses maîtres, et à trouver sa vraie voie. A suivre.